Le roi du Maroc a mis en garde lundi contre toute menace à la sécurité de son pays après que l’ONU a confirmé des échanges de tirs entre troupes marocaines et indépendantistes du Front Polisario au Sahara occidental, en appelant à la « retenue ».

Après trente ans de cessez-le-feu, le Front Polisario a décrété vendredi « l’état de guerre » en réaction à une opération de l’armée marocaine dans une zone-tampon de l’extrême sud du Sahara occidental pour rétablir le trafic routier coupé par des indépendantistes sahraouis au niveau du poste-frontière de Guerguerat.

Dans un communiqué publié lundi soir, le ministère de la Défense sahraoui a affirmé que les forces du Polisario ont mené lundi des « attaques massives » contre le mur de défense marocain scindant sur 2700 km le territoire désertique disputé.

Le mouvement indépendantiste fait état de « tirs et de pilonnages » visant les secteurs d’Amlaga, Haouza, Al Farcia, dans le nord du territoire, et les secteurs de Baggari et Oum Dreyga, dans le centre. Ces affirmations n’ont pu être vérifiées de sources indépendantes.

De son côté, le roi du Maroc a fait savoir lundi qu’il restait attaché au cessez-le-feu mais « demeure fermement déterminé à réagir, avec la plus grande sévérité, et dans le cadre de la légitime défense, contre toute menace à (la) sécurité » de son pays.

Mohammed VI a lancé cet avertissement, qui inclut implicitement la zone contrôlée par Rabat, lors d’un entretien téléphonique lundi avec le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres, selon un communiqué officiel.

 

– « Occupation illégale » –

 

Pour le Polisario, l’intervention marocaine à Guerguerat a sonné le glas du cessez-le-feu signé sous l’égide de l’ONU après 15 ans de combats.

« La fin de la guerre est liée désormais à la fin de l’occupation illégale » de la partie sous contrôle marocain, a déclaré lundi à l’AFP Mohamed Salem Ould Salek, un représentant du Polisario.

L’arrêt des hostilités dépend aussi de l’application pleine et entière de l’accord de 1991, qui prévoit l’organisation d’un référendum d’autodétermination jamais mis en oeuvre, a-t-il averti.

Fait inhabituel, l’agence officielle marocaine MAP a repris dimanche soir les informations d’un site non officiel dédié aux Forces Armées Royales (FAR) pour annoncer des échanges de tirs le long du mur de défense, sans donner de localisation précise.

Selon le forum « FAR-Maroc », le Polisario a effectué « des tirs de harcèlement le long de la ligne de défense sans causer de dégâts » et l’armée marocaine a « riposté », occasionnant « la destruction d’un engin porte-armes à l’est de la ligne de défense », au niveau de Mahbès, près de la frontière algérienne.

La Mission de paix de l’ONU (Minurso) « a reçu des informations des deux parties sur des tirs à différents endroits durant la nuit », a précisé lundi un porte-parole de l’ONU au cours d’un point de presse à New York.

La Minurso « continue d’exhorter les parties à la retenue et à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire diminuer la tension », a-t-il ajouté.

Avec la guerre d’information que se livrent les deux camps sur les réseaux sociaux, il est très difficile de savoir ce qui se passe précisément dans ce territoire désertique géographiquement isolé.

L’accès de la zone frontalière algérienne est compliqué par la suspension des vols intérieurs liée à la pandémie de Covid-19. Côté marocain, Rabat ne laisse pas en temps normal les journalistes se déplacer librement dans le territoire sous son contrôle.

La Minurso est aussi confrontée à des problèmes d’accès sur le terrain et a limité ses déplacements ces derniers mois, basant désormais l’essentiel de ses observations sur des images satellites, selon le dernier rapport annuel du secrétaire général devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

 

– « Solution réaliste »-

 

Il est « extrêmement difficile de vérifier la réalité des informations diffusées de l’un ou de l’autre côté », soulignait ce rapport qui s’inquiétait aussi de la « menace croissante et imprévisible » sur son personnel face à « la multiplication de trafiquants de drogue et d’autres éléments criminels » mais aussi « au risque d’attentat ».

Lundi, Mohammed VI a assuré M. Guterres que son pays « continuera à soutenir ses efforts dans le cadre du processus politique (…) permettant une solution réaliste et réalisable dans le cadre de la souveraineté du Royaume ».

Le Maroc contrôle les trois quarts du territoire de 266.000 km2 et considère la bande ouest, riche en phosphate et en eaux poissonneuses comme sienne.

Rabat, qui veut une autonomie sous sa souveraineté, s’est récemment félicité que la dernière résolution du Conseil de sécurité « ne contienne aucune référence au référendum, alors qu’elle se réfère à six reprises à la solution politique ».

Les négociations impliquant le Maroc, le Polisario, l’Algérie et la Mauritanie sont au point mort depuis 2019.