Un chef de guerre rwandais, commandant suprême de la milice hutu FDLR active depuis 25 ans dans l’est de la République démocratique du Congo, a été tué dans la nuit de mardi à mercredi par l’armée congolaise, « une bonne nouvelle pour la paix » selon Kigali.
Visé depuis juillet 2012 par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI), Sylvestre Mudacumura, 65 ans, a été tué à quelque 60 km de Goma, selon l’armée congolaise. Il était poursuivi pour crimes de guerres commis sur des civils congolais en 2009 et 2010.
« La mort de Sylvestre Mudacumura est une bonne nouvelle pour la paix et la sécurité dans la région. Avec son groupe génocidaire, les FDLR, il déstabilisait la RDC, tuant des Congolais et des Rwandais », s’est félicité le secrétaire d’État rwandais aux Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe.
– Les heures sombres de 1994 –
Son parcours renvoie l’immense Congo et son petit voisin le Rwanda aux heures sombres de 1994, année du génocide rwandais et du basculement, par contrecoup, de l’ex-Zaïre dans l’insécurité, le pillage des ressources minières et les tueries de civils.
Ex-chef-adjoint de la garde présidentielle du président hutu rwandais Juvenal Habyarimana, Mudacumura a fui après le génocide dans l’est de l’ex-Zaïre.
Il est devenu le commandant du Front démocratique de libération du Rwanda (FDLR), qui a compté dans ses rangs des génocidaires présumés.
Les FDLR ont mené pendant quelques années des actions militaires contre le Rwanda, où l’actuel président Paul Kagame a régulièrement accusé la RDC de ne jamais en faire assez pour neutraliser le bras armé des réfugiés hutus.
– Le ton change –
Le ton change en 2019. « Sa mort confirme l’engagement du président (congolais) Félix Tshisekedi à combattre les forces négatives et ouvre la voie à une nouvelle ère de coopération positive et pacifique entre la RDC et les pays de la région », affirme aujourd’hui le secrétaire d’Etat rwandais, Olivier Nduhungirehe.
Faisant souche dans l’est de la RDC, les FDLR ont tissé des alliances avec des groupes armés congolais, surtout les Nyaturas, contre l’armée congolaise.
Ils sont régulièrement accusés de commettre des atrocités contre les civils dans les zones sous leur contrôle: recrutement d’enfants, pillages de vilalges, sans oublier le trafic d’or et de bois.
« La neutralisation de Sylvestre Mudacumura est une bonne nouvelle pour l’armée congolaise car il était à la tête de la branche radicale des FDLR qui s’est opposée au rapatriement volontaire au Rwanda. Sa neutralisation est un signal fort pour les autres rebelles », s’est félicité le porte-parole de l’armée congolaise, le général Richard Kasonga.
Sa mort représente un « grand pas » dans la lutte contre « l’insécurité » et le « terrorisme », a-t-il ajouté;
« C’est ainsi que les forces armées lancent un appel à tous les groupes armés pour déposer les armes, faute de quoi ils seront traités comme Mudacumura », a conclu l’armée congolaise.
En déplacement dans le Kivu début septembre, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait lancé le même appel au désarmement.
La disparition de Mudacumura « est un événement extrêmement important », a estimé Jason Stearn du Groupe d’études sur le Congo (GEC) de l’Université de New York.
« Les FDLR sont l’un des groupes armés les plus importants de la région même s’ils ont diminué en capacité », a dit cet expert. En 2019, le FDLR compte encore 500 à 600 miliciens actifs, selon les Nations unies.
M. Stearn reste prudent sur un espoir de paix dans la région, où 130 groupes armés sont encore actifs selon lui. « On a vu beaucoup de morts de commandants (rebelles) sans que nécessairement le groupe ne disparaisse ou ne diminue en force ».
Quoi qu’il en soit, la mort du chef des FDLR représente le plus grand succès de l’armée congolaise contre les milices dans les deux Kivus depuis la déroute du M23 en novembre 2013.
Dernier avatar des rébellions à dominante tutsi soutenues par le Rwanda et l’Ouganda dans l’est congolais, le M23 avait été défait en novembre 2013 par l’armée congolaise, appuyée par les Casques bleus de la mission de l’ONU en RDC (Monusco), après dix-huit mois de guérilla au Nord-Kivu.
En juillet 2015, Human Rights Watch avait exhorté le gouvernement congolais et la Mission de l’ONU en RDC (Monusco) à prendre des mesures pour arrêter Mudacumura, soulignant à l’époque qu’il était toujours en liberté des années après l’émission du mandat d’arrêt qui le visait.
En août et octobre 2016, la RDC avait successivement remis aux autorités rwandaises le responsable de la sécurité du commandant Mudacumura, Patrick Sabimana ainsi que le chef des renseignements des FDLR, Habiarimana Mucebo Sofuni.