Le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré doit être officiellement investi samedi candidat de son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), pour briguer un nouveau mandat à la présidentielle de novembre, malgré un bilan mitigé, miné par la situation sécuritaire.

Son élection en 2015 avec 53,49% des voix avait suscité de grands espoirs de développement et de changement au Burkina Faso.

Mais en cinq ans, sous sa présidence, ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest qui était un havre de paix prisé par les touristes est devenu une zone rouge où les attaques jihadistes sont quasi quotidiennes, des pans entiers du pays étant inaccessibles.

Ces attaques jihadistes, parfois entremêlées à des conflits intercommunautaires, ont fait au moins 1.100 morts depuis 2015, et contraint près d’un million de personnes à fuir leurs foyers.

L’exécutif n’a pas été à la hauteur du défi sécuritaire, estiment de nombreux observateurs.

« La recrudescence des attaques et la montée de la violence s’expliquent par le fait qu’il n’y a pas de réponse appropriée pour enrayer la menace », souligne l’expert en sécurité Mahamoudou Savadogo.

Malgré tout, le MPP est uni derrière son chef, unique candidat à l’investiture. Il n’y aura pas de grand rassemblement en raison de l’épidémie de coronavirus, mais 3.000 membres du MPP se réuniront quand même au Palais des sports de Ouagadougou.

– Favori de la présidentielle –

« C’est le président Kaboré que nous allons désigner pour être investi au titre de notre parti pour la prochaine présidentielle », explique le secrétaire exécutif du MPP, Lassané Savadogo.

« C’est le croisement entre le bilan et le programme proposé par le candidat qui détermine la position du parti (…) Il est le candidat qui est le mieux placé pour porter le flambeau », ajoute-t-il.

Pour donner un peu de lustre à l’événement, la candidature de Kaboré, 63 ans, devra également être soutenue par l’alliance des partis de la majorité présidentielle (APMP), un regroupement d’une quarantaine de partis politiques.

« Notre objectif, c‘est de le faire élire au premier tour et avec un score plus confortable qu’en 2015. Nous voulons faire au-delà de 60% », projette Lassané Savadogo.

Pourtant, selon un sondage en juin du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), une des rares enquêtes d’opinion au Burkina, la cote le président est en baisse, « 63% de la population » n’étant « pas satisfaite des actions du président » depuis son accession au pouvoir.

« Les défis sécuritaires, la fronde sociale, la pandémie de Covid-19 et d’autres facteurs ont influencé négativement la mise en œuvre du programme », estime Lassané Savadogo, « mais cela ne nous a pas dévié de nos objectifs fondamentaux », assure-t-il.

Ancien proche du président Blaise Compaoré, chassé après 27 ans de pouvoir par une insurrection populaire en octobre 2014, Kaboré devrait être opposé à de nombreux anciens du régime : l’ex-Premier ministre Kadré Désiré Ouédraogo, Gilbert Noël Ouédraogo, dirigeant d’un parti allié à Compaoré, ou encore Eddie Komboïgo, le président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ex-parti de Compaoré, exclu de l’election de 2015.

Parmi les autres grands postulants figurent le chef de file de l’oppostion Zéphirin Diabré, deuxième de la présidentielle 2015, Tahirou Barry, un ministre démissionnaire du premier gouvernement de Kaboré, ou le juriste Abdoulaye Soma.

« Malgré le bilan mitigé du président Kaboré qui a réussi quelques actions, notamment le développement des infrastructures routières, il reste favori face à une opposition qui peine à s’unir », soutient l’analyste politique Drissa Traoré, qui pointe aussi « la situation sécuritaire (qui) s’est considérablement dégradée ».

« 14 provinces, réparties dans les six régions du pays, sont sous état d’urgence. La tenue des élections dans ces zones en proie aux attaques est hypothétique. Ces populations sont plutôt préoccupées à sauver leurs vies », souligne-t-il.

Selon l’observatoire démocratique des droits humains (ODDH), entre avril 2015 et mai 2020, les groupes armés jihadistes ont mené « au moins 580 attaques » ciblant des forces de l’ordre mais aussi des civils et notamment des écoles, dont plus de 2.000 ont fermés.