La perspective puis la confirmation d’une candidature du président de la Guinée, Alpha Condé, 82 ans, à un troisième mandat controversé au scrutin de dimanche a suscité depuis un an une contestation durement réprimée, faisant des dizaines de morts.

 

– Début de la contestation

Le 7 octobre 2019, le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), collectif de partis, syndicats et membres de la société civile, appelle à manifester contre un éventuel troisième mandat de M. Condé.

Elu en 2010 et réélu en 2015, le chef de l’Etat avait annoncé début septembre des « consultations » sur la Constitution, premier pas selon l’opposition vers une modification du texte pour lui permettre de se représenter en 2020.

Le 14, des heurts entre manifestants et forces de l’ordre font cinq morts par balles à Conakry selon l’opposition.

 

– Manifestations massives

A plusieurs reprises, le FNDC fait descendre massivement les Guinéens dans la rue.

La contestation, marquée parfois par des heurts, est plusieurs fois durement réprimée. L’opposition assure que son mouvement est pacifique, M. Condé l’accuse de chercher à semer le désordre.

Amnesty International dénonce l’usage excessif de la force par les services de sécurité, les interdictions de manifestations pacifiques, les arrestations « arbitraires », les cas de torture et l’impunité des forces de sécurité.

 

– « Coup d’Etat constitutionnel »

En décembre, le président annonce qu’il soumettra aux Guinéens un projet de nouvelle Constitution.

Le texte maintient la limite de deux mandats présidentiels mais permettrait au président de remettre le compteur à zéro afin de se représenter, dénonce l’opposition, criant au « coup d’Etat constitutionnel ».

Mi-janvier 2020, l’opposition annonce une mobilisation « massive » et « illimitée ».

Le pays connaît dans plusieurs villes des heurts entre protestataires et forces de sécurité, des saccages de locaux de la police ou de la gendarmerie ou des attaques contre des bâtiments officiels.

 

– Référendum et législatives boycottés

Le 22 mars, la nouvelle Constitution recueille près de 90% de « oui » lors d’un référendum couplé à des législatives reportées depuis des mois. L’opposition boycotte le vote, entaché de violences. A Nzérékoré (sud), les autorités reconnaîtront 30 morts.

Le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, au pouvoir) remporte les législatives. L’opposition rejette les résultats. Les Etats-Unis, l’Union européenne et la France remettent en question la crédibilité du vote.

Le 2 avril, Amnesty dénonce le recours à des tirs à balles réelles.

 

– Condé candidat

Le 6 août, le RPG demande à M. Condé d’être son candidat à la présidentielle.

Le 2 septembre, Alpha Condé confirme être candidat, après des mois d’ambiguïté. Le FNDC annonce de nouvelles manifestations.

Le 9, le collectif contre la candidature d’Alpha Condé se fracture, mettant à l’écart Cellou Dalein Diallo, ancien Premier ministre et principal opposant, qui a choisi de participer au scrutin plutôt que le boycotter.

 

– Accents communautaires

En septembre, M. Condé se démarque par les accents guerriers et communautaristes donnés à certains discours, prononcés en langue malinké.

Cellou Dalein Diallo, membre de l’ethnie peule, considérée comme la première du pays, l’accuse d' »instrumentaliser » les divisions ethniques, au risque d’attiser les violences.

Le 29, des heurts sporadiques opposent manifestants et forces de l’ordre à Conakry, lors d’une journée de mobilisation interdite.

Le 30, un jeune homme est tué par balle à Dabala (centre), ville secouée par des heurts depuis la visite la veille du Premier ministre en campagne électorale.

Début octobre, Amnesty dénonce la répression des manifestations, qui ont provoqué au moins 50 morts en un an. L’opposition évoquera ensuite au moins 90 morts, un chiffre dénué de fondement selon le gouvernement.

Le 3, l’ONU, l’Union africaine (UA) et des pays d’Afrique de l’Ouest mettent en garde contre les « discours de haine à relent ethnique ».

Le 4, Alpha Condé appelle ses partisans à ne pas basculer dans la violence.

Le 7, l’ONU demande aux candidats de s’abstenir de tout discours de haine ethnique susceptible d’entraîner des violences.

Le 8, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) se dit « profondément préoccupée ».