Depuis que les salons de beauté ont fermé leurs portes au Koweït en raison de la crise du nouveau coronavirus, Warda, comme d’autres femmes de ce riche pays du Golfe, a perdu l’un de ses rares lieux de socialisation.

Si la société koweïtienne est parmi les plus ouvertes du Golfe, y compris pour les femmes, certaines familles conservatrices imposent toujours des restrictions sévères.

Ainsi, Warda, une institutrice de 37 ans qui vit à Sabahia (35 km au sud de la capitale Koweït), n’est autorisée par sa famille à se rendre seule que dans deux endroits: au travail et au salon de beauté.

« Je viens d’un milieu conservateur et je ne sors pas beaucoup, mais je vais au salon pour passer le temps », confie Warda à l’AFP, se disant déprimée depuis la fermeture de ces établissements il y a trois mois.

Leur réouverture n’aura lieu qu’en septembre, selon un plan de déconfinement par étapes annoncé par les autorités du pays, qui a officiellement enregistré près de 34.000 cas d’infection au nouveau coronavirus, dont 279 décès.

A l’instar de Warda, certaines Koweïtiennes ne peuvent pas non plus fréquenter seules les centres commerciaux, les cafés ou même les salles de sport. Les salons de beauté réservées aux femmes constituent ainsi, pour elles, une vraie échappatoire.

Beaucoup y voient aussi un équivalent féminin des « diwaniyat », ces réunions quasi quotidiennes où les hommes se retrouvent pour discuter, boire le café et fumer le narguilé.

– Services cinq étoiles –

Avant la pandémie, Warda avait l’habitude de se rendre régulièrement dans le quartier chic d’Al-Chaab, pour profiter des prestations haut de gamme de son salon préféré, où elle dépensait environ 100 dinars par mois (près de 300 euros).

Soins du corps, massages, hammam, jacuzzi: les salons au Koweït offrent des services cinq étoiles, dans un pays où le revenu par habitant, estimé à 70.000 dollars par an, est parmi les plus élevés au monde et permet un train de vie aisé.

Mais cette situation concerne surtout les citoyens koweïtiens, qui ne représentent qu’environ 30% d’une population de près de 5 millions d’habitants, composée majoritairement de travailleurs immigrés.

« Certaines Koweïtiennes se rendent dans des salons au moins deux ou trois fois par semaine », souligne une Koweïtienne expatriée aux Emirats arabes unis.

Quelques unes spécialisées dans le cosmétique sur les réseaux sociaux se sont fait un nom dans le Golfe, comme Fouz qui possède un salon de beauté, ou la blogueuse Dalal Al-Doub. Chacune cumule des millions d’abonnés sur Instagram.

– Craintes de contamination –

Mais dans un contexte de pandémie mondiale, le confinement a eu d’importantes conséquences économiques sur le pays, et certains salons de beauté, comme d’autres commerces, ont dû licencier une partie des employées ou suspendre leurs salaires en attendant la reprise du travail.

A Fintas, en périphérie de la capitale, Adiba Al-Wadi, propriétaire de deux salons, croule désormais sous les demandes de services à domicile.

« J’ai reçu beaucoup d’appels téléphoniques et de messages sur les réseaux sociaux de clientes mais j’ai dû refuser car les lois du pays l’interdisent », explique-t-elle.

Après plusieurs mois de fermeture, Adiba al-Wadi s’attend à ce que les salons de beauté ne soient plus des lieux privilégiés de socialisation en raison des craintes de contamination et des strictes mesures de protection qui vont s’imposer comme le port du masque et de gants ainsi que la distanciation physique.

« Les Koweïtiennes retourneront dans les salons seulement lorsque ce sera vraiment nécessaire à l’avenir » et « ce ne sera plus un plaisir », déplore-t-elle.