Le crash au Yémen d’un avion de combat saoudien, que les rebelles Houthis disent avoir abattu, a mis en lumière leurs capacités militaires, une raison de s’alarmer pour l’Arabie saoudite, embourbée dans la guerre chez son voisin, estiment des analystes.

Les rebelles –soutenus par Téhéran, grand rival de Ryad– ont assuré avoir abattu un Tornado vendredi avec un missile sol-air au-dessus de la province de Jawf, dans le nord du pays.

Contacté au sujet de ces allégations, le porte-parole de la coalition n’a pas répondu aux questions de l’AFP, mais Ryad a accusé les rebelles d’avoir tiré sur les deux membres d’équipage saoudiens –après qu’ils se sont éjectés de l’avion– dont le sort reste inconnu.

Un tel crash d’un appareil saoudien, rare depuis le début du conflit au Yémen en 2014, constitue un revers pour la coalition militaire dirigée par Ryad qui a toujours bénéficié de la suprématie aérienne depuis son intervention dans la guerre en 2015, en soutien aux forces gouvernementales contre les rebelles.

« C’est certainement une raison de s’alarmer pour la coalition », a déclaré à l’AFP Becca Wasser, analyste politique à la RAND Corporation, basée aux Etats-Unis.

La coalition « doit agir comme si c’était désormais normal que les Houthis aient la capacité d’abattre plus d’avions », estime-t-elle, ajoutant que les opérations aériennes de Ryad seront « affectées ».

Dominant l’espace aérien yéménite, l’Arabie saoudite a régulièrement essuyé des critiques internationales pour ses raids aériens qui ont tué des dizaines de civils.

– « Aide de l’Iran » –

Les rebelles Houthis affirment qu’un de leurs missiles artisanaux a abattu l’avion saoudien mais « reste à savoir si c’est vraiment le cas, car c’est une région où ils ont reçu l’aide de l’Iran », souligne Becca Wasser.

La République islamique nie avoir armé les rebelles qu’elle dit néanmoins soutenir politiquement.

L’année dernière, les Houthis ont affirmé avoir abattu un drone américain dans un contexte de tensions accrues entre Washington, allié de Ryad, et l’Iran.

Selon un rapport de l’ONU consulté par l’AFP, les rebelles ont obtenu de nouvelles armes en 2019 avec « des caractéristiques techniques similaires aux armes fabriquées en Iran ».

Par ailleurs, les médias saoudiens ont récemment affirmé que les frappes aériennes de la coalition avaient tué des hommes du Hezbollah, le puissant mouvement chiite libanais allié de l’Iran, près de la capitale Sanaa, contrôlée par les rebelles.

La présence du Hezbollah a sans doute renforcé « l’état de préparation des Houthis dans leur lutte contre les opérations aériennes de l’Arabie saoudite », a déclaré à l’AFP Fatima Abo Alasrar, chercheuse au Middle East Institute, basé à Washington.

Les rebelles « n’avaient pas cette capacité il y a cinq ans », a-t-elle souligné.

Le crash de vendredi est survenu après de nouveaux affrontements dans le nord du Yémen, où régnait une accalmie relative depuis plusieurs mois, les deux camps ayant exprimé leur volonté de mettre un terme au conflit.

Ryad a espéré une victoire rapide au Yémen mais s’est retrouvé englué dans un bourbier qui lui a coûté des milliards de dollars et a dévasté le pays le plus pauvre de la péninsule arabique, provoquant la pire crise humanitaire au monde selon l’ONU.

Le crash a déclenché des frappes aériennes de la coalition sur le site où l’avion s’est écrasé, faisant 31 morts civils et 12 blessés, d’après l’ONU.

Outre une opération vue comme des représailles, le raid pourrait aussi être destiné à « garantir que des technologies clé (de l’aviation saoudienne) ne tombent pas entre les mains des Houthis » et éviter ainsi « d’augmenter leur capacité à cibler les avions de la coalition », estime Becca Wasser.