C’est comme passer du théâtre au cinéma, résume le couturier Maurizio Galante. Du jamais vu, la mode sera virtuelle cet été à Paris, poussant les créateurs, privés de l’adrénaline des défilés, à captiver le public autrement.
La haute couture, évènement très select et exclusivement parisien qui promeut le fait main et les savoir-faire rares avec des pièces oeuvres d’art démarre lundi pour trois jours suivi de la Fashion week homme jusqu’au 13 juillet.
Chaque maison faisant partie du calendrier officiel de la Fédération de la haute couture et de la mode dévoilera sa collection avec des films diffusés pendant son créneau sur les plateformes dédiées.
Si cette façon de raconter la mode est inédite, elle permet de toucher des audiences plus larges et le rythme de cette Fashion week sera plus intense que jamais avec jusqu’à 14 présentations par jour.
Un exercice nouveau pour les designers de la mode, visiblement bouleversés par les changements induits par l’épidémie du coronavirus et dont on attend des messages sur le monde d’après.
« Le confinement, c’était pour moi le moment d’une grande réflexion et de nettoyage du système mode où il se passe parfois trop de choses » », confie à l’AFP l’Italien Maurizio Galante dans son atelier avec vue sur les toits de Paris et la tour Eiffel. Il diffusera sa vidéo lundi, tout comme Dior ou Schiaparelli.
Pour lui, la mode en ligne est « une grande opportunité pour faire passer des messages à un public qui sera concentré sur les images plutôt que de regarder qui est assis au premier rang », celui réservé aux célébrités, un élément glamour qui fait en grande partie le défilé, explique le designer.
– Films « artistiques » –
S’il associe les défilés au théâtre, regarder les clips sera comme aller au cinéma et être « plutôt détaché », deux arts avec « leurs langages complètement différents ».
Ravi de cette expérience, il la compare aux préparatifs de repas de Noël lorsqu’on est plus excité en l’imaginant et faisant des courses qu’au moment de le servir.
La créatrice vietnamienne Xuan Thu Nguyen explique à l’AFP que la « vidéo artistique » de sa marque Xuan, plutôt que de montrer toute la collection, sera « un teasing » pour entraîner les spectateurs dans un univers.
« Si vous n’avez rien, même pas d’électricité, vous pouvez toujours créer », estime-t-elle. « Je peux vivre sans les défilés pendant un moment même si je pense que cela finira par me manquer », dit-elle.
Dior a promis « une surprise » lundi lors de la présentation de la collection haute couture. La maison française organisera dans la foulée, le 22 juillet, un défilé croisière dans le sud de l’Italie, sur la place centrale de Lecce, mais sans public.
« C’est très important d’avoir un show, parce que le luxe, c’est de l’émotion, et rien n’apporte autant d’émotion qu’un défilé de mode en direct dans lequel on ressent l’électricité du moment créatif », a expliqué fin juin le PDG de Dior Pietro Beccari au cours d’une conférence de presse.
La mode numérique n’est pas une « solution miracle », mais pour l’instant c’est « le seul moyen » de montrer le travail de création et faire rebondir le secteur, estime Gilles Lasbordes, directeur général de Première Vision, salon de l’amont de la filière de la mode.
« Il faut que la machine reparte », déclare-t-il à l’AFP en rappelant que le processus est long et qu’il se passe un an entre la présentation de tissus et accessoires au salon et la vente de produits faits avec et six mois entre le défilé et l’arrivée de vêtements en boutique.
Il trouve que cette parenthèse imposée par l’épidémie pourrait être « intellectuellement intéressante pour des créateurs » qui trouveront de nouvelles formes pour valoriser leur travail d’autant plus que la consommation de la mode en ligne ne cesse d’augmenter.