« On a inventé une technologie en partant de zéro »: le réalisateur en chef du football espagnol et de la Ligue des champions pour le groupe Mediapro, Oscar Lago, a imaginé le football post-coronavirus « pour que les gens oublient que le match est à huis clos », explique-t-il dans un entretien à l’AFP.

Q: Depuis la reprise de la Liga, la réalisation TV des matches a été complètement bouleversée, avec notamment un habillage des tribunes avec du public « virtuel ». Comment avez-vous repensé votre manière de filmer ?

R: « Personne dans l’industrie du football ne s’attendait à ce que, un jour, on puisse diffuser un spectacle audiovisuel de premier niveau sans public. Du foot sans public, personne ne s’y attendait. Personne n’était prêt pour penser à remplir les tribunes avec du public virtuel. On a donc inventé une technologie en partant de zéro. Début avril, quand la Liga a commencé à évoquer l’idée que le foot allait reprendre à huis clos, on a commencé à réfléchir à ce qu’on voulait mettre en place. On avait déjà produit quelques matches isolés à huis clos, mais là, dès le début, on a pensé qu’il fallait changer des choses pour que le téléspectateur ait la meilleure perception possible de ce qu’il se passe sur le terrain. »

Q: Qu’avez-vous inventé ?

R: « On a installé nos caméras de ralentis habituellement posées au bord de la pelouse dans les gradins vides, à 3-4 mètres de hauteur, pour parvenir à éviter les tribunes vides en arrière-plan sur 90% de nos ralentis. Ensuite, on a travaillé avec une entreprise de graphisme et de réalité augmentée pour voir comment adapter leur bagage technologique au football: ça a été très difficile, parce qu’il a fallu repenser toute l’ingénierie pour l’adapter aux matches de Liga, qui sont très compliqués à produire, avec de la publicité adaptative en réalité augmentée, etc. Ils ont donc implanté leur technologie de +tracking+ à la caméra principale qui filme le match, pour remplacer la couleur des tribunes par du public virtuel avec une technologie d’incrustation, la même que celle qui est utilisée avec les fonds verts au cinéma ou à la télévision, par exemple. On a commencé à faire des tests en laboratoire en mai, et on a vu que ça pouvait marcher. On a donc proposé cette solution à LaLiga, qui nous a donné son feu vert. Et à partir de là, ça a été une course contre le temps pour être fin prêt le 11 juin, pour la reprise de la Liga. »

Q: Pensez-vous améliorer cette technologie dans le futur ?

R: « L’objectif , c’était de remplir un vide, de passer ces 11 journées. L’expérience ne sera pas prolongée. Le système de réactions sonores du public virtuel, qui est manuel, peut encore être amélioré. Le but, c’est que le spectateur, chez lui, oublie que le match se déroule à huis clos, et que, grâce à l’ambiance sonore virtuelle et au public virtuel, en cinq minutes, il se concentre sur le jeu, comme pour un match normal. Ca, on l’a réussi. Notre but n’était pas de faire quelque chose de beau, d’hyperréaliste. La critique facile que l’on reçoit, c’est que notre public ressemble à celui d’un jeu vidéo, mais plus à celui de FIFA03 qu’à celui de FIFA20, qui est dynamique, qui bouge, et où on peut distinguer chaque supporter. Si on avait voulu faire quelque chose d’hyperréaliste, on se serait trompé de route. Cela aurait été donner trop d’importance à un élément graphique fait pour être oublié. »