Ignorant les avertissements de ses ennemis et de ses partenaires, l’Iran a déclaré mercredi qu’il mettrait à exécution dès dimanche sa menace d’enrichir l’uranium à un degré supérieur à la limite fixée par l’accord international sur son programme nucléaire.

La mesure a été annoncée en conseil des ministres par le président Hassan Rohani, qui a répété ses griefs vis-à-vis des Etats-Unis, de l’Europe, de la Chine et de la Russie, qu’ils tient pour responsables de l’impasse actuelle autour de cet accord conclu à Vienne en 2015.

L’annonce survient sur fond de tensions déjà vives avec Washington, faisant craindre un embrasement dans la région stratégique du Golfe.

La crise entre les deux ennemis a connu un pic le 20 juin après que l’Iran a abattu un drone américain. Selon Téhéran, l’appareil avait violé l’espace aérien iranien, ce qu’a démenti Washington.

En 2015, l’Iran s’est engagé à ne jamais acquérir l’arme atomique et à brider son programme nucléaire en échange de la levée d’une partie des sanctions internationales qui asphyxiaient alors son économie.

Mais l’accord de Vienne est menacé depuis que les Etats-Unis s’en sont retirés unilatéralement en mai 2018, réimposant des sanctions punitives contre la République islamique privant l’Iran des bénéfices qu’il attendait de ce pacte.

Le 8 mai, un an jour pour jour après le retrait américain, et lassée des promesses non tenues des autres parties encore à l’accord (Allemagne, Chine, France, Grand-Bretagne, Russie) de garantir les intérêts iraniens, Téhéran avait annoncé ne plus se sentir tenu par deux plafonds définis par l’accord.

En l’occurrence : celui limitant ses réserves d’eau lourde à 1,3 tonne, et celui de 300 kg imposé à ses réserves d’uranium faiblement enrichi.

L’Iran avait aussi adressé un ultimatum à ses partenaires leur donnant « 60 jours » pour l’aider à contourner les sanctions américaines, qui ont fait plonger le pays en récession.

– « Extrêmement inquiets » –

M. Rohani a ainsi annoncé mercredi que son pays commencerait à mettre en oeuvre dès dimanche la deuxième phase de son « plan de réduction » de ses engagements, réversible à tout moment, selon l’Iran, si les autres partenaires répondent à ses demandes.

Téhéran mettra « de côté » son engagement consistant à ne pas enrichir de l’uranium a un degré supérieur à 3,67%, dès le « 7 juillet ».

« Autant que nous le voudrons, autant que nécessaire, autant que nos besoins l’imposent, nous [enrichirons] au-dessus de 3,67% », a déclaré M. Rohani.

Il a également prévenu qu’à partir de dimanche, l’Iran pourrait reprendre son projet de réacteur à eau lourde à Arak (centre) « qui [pourrait à terme] produire du plutonium », à moins que « vous [les autres parties à l’accord, NDLR] ne teniez tous vos engagements. »

« Nous resterons tenus par [l’accord de Vienne] tant que les autres parties y resteront tenues. Nous appliquerons 100% [de l’accord] le jour où les autres parties agiront à 100% » selon ses termes, a ajouté M. Rohani.

Selon lui, l’Iran applique désormais « 98% » de l’accord et les autres parties « pas même 10% ». « Passez à 98% et nous reviendrons à 100% », a-t-il dit.

L’Iran a franchi lundi la limite des 300 kg imposée à ses réserves d’uranium faiblement enrichi. Réagissant à ce nouveau développement, le président américain Donald Trump a accusé Téhéran de jouer « avec le feu »

« Les Etats-Unis et leurs alliés ne permettront jamais à l’Iran de développer des armes nucléaires » (ce dont Téhéran s’est toujours défendu), a promis la Maison Blanche, réaffirmant la volonté américaine de poursuivre sa campagne de « pression maximale » sur Téhéran, « tant que ses dirigeants ne changent pas leur façon de faire ».

« Extrêmement inquiets » par le dépassement des stocks d’uranium enrichi iraniens, Berlin, Londres, Paris et l’UE ont appelé mardi Téhéran « à revenir sur sa décision et à s’abstenir de prendre de nouvelles mesures qui affaibliraient » l’accord.

« Notre engagement vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire [dépend] du respect total par l’Iran » de ses engagements », ont ajouté les Européens.

Déplorant l’attitude de l’Iran sur ses stocks d’uranium, Pékin a de son côté appelé « toutes les parties [à la] retenue ».

Moscou aussi a appelé l’Iran « à la retenue, à ne pas céder à l’émotion et à respecter les dispositions essentielles de l’accord ».

Mais Téhéran affirme agir « dans le cadre » de ce pacte, invoquant deux articles permettant à une partie de s’affranchir temporairement de certains de ses engagements si elle estime qu’une autre ne tient pas les siens.

M. Rohani a par ailleurs redit que le mécanisme de troc mis sur pied par les Européens pour permettre à l’Iran de commercer en contournant les sanctions américaines étaient encore une coquille « vide ».