De nouvelles manifestations ont été organisées dimanche dans plusieurs villes soudanaises, ont rapporté des témoins, alors que le calme a prédominé à Khartoum au cinquième jour d’une vague de protestations contre la hausse du prix du pain qui a connu des heurts meurtriers.

A Omdurman, dans la ville jumelle de Khartoum, une manifestation a eu lieu en soirée à l’issue d’un match de football, réunissant des centaines de personnes.

« Après le match (…), des centaines de supporters ont crié: +Liberté, paix et justice », a indiqué un témoin. Selon un autre, les forces anti-émeutes ont tiré des gaz lacrymogènes sur les protestataires.

La récente décision du gouvernement d’augmenter le prix du pain de 1 à 3 livres soudanaises (de 2 à 6 centimes d’euros) suscitent depuis mercredi des manifestations. Elles ont entraîné au moins huit morts -six à Al-Gadaref (est) et deux à Atbara (est)- lors de heurts avec les forces anti-émeutes, selon des responsables et des témoins.

Le principal dirigeant de l’opposition, Sadek al-Mahdi, a dénoncé samedi une « répression armée », et évoqué un bilan supérieur, de 22 morts, impossible à vérifier de source indépendante.

Dimanche, des centaines de personnes se sont réunies sur le marché d’Oum Rawaba, dans l’Etat du Kordofan du Nord, scandant pour certains « le peuple veut la chute du régime », a indiqué par téléphone à l’AFP un habitant.

La police les a empêchées de pénétrer dans un bâtiment officiel, a-t-il ajouté. Des pneus ont été brûlés dans les rues principales, a précisé un autre résident.

– Appel à la grève –

Des « centaines » de manifestants se sont également rassemblés, selon un témoin, à Atabara (est), ville dans laquelle le mouvement est né et où deux personnes sont mortes jeudi.

« Les forces anti-émeutes (…) se sont opposées à eux », a indiqué à l’AFP un habitant. La police et des personnes « habillées en civil » les ont aspergés de gaz lacrymogènes, a-t-il ajouté.

Parallèlement, un groupement de travailleurs de différents secteurs d’activités a appelé dans un communiqué à mener diverses actions de grèves, à commencer par les hôpitaux lundi.

« Les médecins n’interviendront que dans les cas d’urgence », a précisé à l’AFP Mohamed al-Assam, membre de ce groupement.

Dimanche, les grandes artères de Khartoum sont restées calmes, alors qu’écoles et universités sont fermées pour une période indéterminée sur décision des autorités, a constaté un correspondant de l’AFP.

Des policiers anti-émeutes, équipés de matraques et de gaz lacrymogènes, étaient postés aux abords des bâtiments universitaires, d’après la même source.

« On nous a demandé de quitter les lieux ce matin à 07H00 » (05H00 GMT), a expliqué une étudiante d’une université du nord de Khartoum.

– Ambassadeur koweïtien convoqué –

Ailleurs, des habitants ont fait la queue devant les boulangeries, qui refusaient de vendre plus de 20 miches de pain par personne.

« J’ai une grande famille et ce pain ne nous suffit pas pour les trois repas » quotidiens, a déploré l’un d’eux. « Il ne m’autorisera pas à t’en donner plus », a répondu un employé en désignant un agent de sécurité.

Dans le même temps, les autorités ont annoncé, via l’agence officielle Suna, l’arrestation d’une « cellule de saboteurs qui souhaitaient commettre des actes de vandalisme dans la capitale ». Elles ont ajouté que ce groupe comprenait des « membres de partis d’opposition », sans les nommer.

Sadiq Youssef, un cadre de la coalition d’opposition des Forces du consensus national, a affirmé samedi que 14 membres de ce mouvement, dont le président Farouk Abou Eissa, avaient été arrêtés « à la sortie d’une réunion ».

A Al-Gadaref, où les manifestations ont fait six morts jeudi, le propriétaire d’une boutique a affirmé que les magasins avaient rouvert sous la surveillance de soldats. « Ils arpentent le marché armés », a-t-il dit.

Le ministère soudanais des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur du Koweït à Khartoum après que cet Etat du Golfe a appelé ses ressortissants à quitter le Soudan.

Le Soudan connaît des difficultés économiques croissantes avec une inflation de près de 70% et une plongée de la livre soudanaise face au dollar.