Trois mois après son triomphe à l’élection présidentielle ukrainienne, l’ex-comédien Volodymyr Zelensky se prépare à reproduire ce succès dimanche aux législatives, pour lesquelles son parti est ultra-favori en promettant de « nettoyer le pays de la corruption ».

« Le parti politique que j’aime va sans faute vaincre tout le monde. Et c’est seulement après cela que nous allons pouvoir former un Parlement normal et un gouvernement de vrais professionnels », a assuré M. Zelensky dans une vidéo mardi.

Cette toute jeune formation baptisée « Serviteur du peuple », du nom de la série télévisée dans laquelle M. Zelensky incarne un enseignant devenu subitement président, est créditée de 42% à 52% des intentions de vote parmi les électeurs ayant déjà fait leur choix, loin devant ses rivaux.

Il s’agit d’un soutien impressionnant pour un parti totalement inconnu jusqu’au début de la campagne présidentielle de M. Zelensky, qui a su écraser son prédécesseur, Petro Porochenko, en remportant 73% des suffrages en avril avec sa promesse de « casser le système ».

Aujourd’hui, « Serviteur du peuple » se targue sur son site internet d’avoir « lancé un défi au système » et promet l’arrivée de nouvelles personnes prêtes à « faire des changements » pour « nettoyer le pays de la corruption » omniprésente.

Malgré l’absence de plan d’action détaillé, ces annonces séduisent l’électorat de l’un des pays les plus pauvres d’Europe, éprouvé par une guerre contre des séparatistes prorusses ayant fait près de 13.000 morts en cinq ans.

« On a envie de croire que des jeunes qui n’ont jamais fait de politique et ne sont pas impliqués dans la corruption et les magouilles réussiront à tout faire comme Vassyl Goloborodko », le personnage incarné à l’écran par M. Zelensky qui défend les intérêts des gens ordinaires, souligne la sociologue Iryna Bekechkina, directrice de la fondation Initiatives démocratiques.

Le parti de M. Zelensky est allé jusqu’à recruter une trentaine de candidats via son site internet et à bannir les députés sortants de sa liste électorale.

La même décision a été prise par le parti pro-occidental Golos (voix) qui plaide lui aussi pour un renouveau politique. Fondée en mai par la superstar du rock ukrainien Sviatoslav Vakartchouk, la formation est déjà créditée de 4% à 9% des intentions de vote et pourrait, selon certains sondages, arriver en troisième position.

– Renouvellement politique –

Cette foule de nouveaux visages promet un renouvellement des élites sans précédent en Ukraine, où la scène politique a été dominée jusqu’à présent par des politiciens ayant grandi en URSS.

« Il est probable que jusqu’à 75% des députés élus soient novices », prédit Oleksandre Souchko, directeur exécutif de la fondation internationale Renaissance à Kiev.

Sur la vingtaine de partis en lice, plusieurs autres ont des chances de franchir le seuil des 5%, notamment la formation prorusse Plateforme d’opposition (12-14% selon les sondages), suivie des mouvements pro-occidentaux Solidarité européenne de l’ex-président Petro Porochenko (7-9%) et Batkivchtchina (Patrie) de l’ex-Première ministre Ioulia Timochenko (6-7%).

Ces prévisions ne portent que sur 225 sièges du Parlement monocaméral. Les 199 autres députés seront élus au scrutin majoritaire à un tour.

Dans cette configuration, l’un des enjeux clés est de savoir si le parti de M. Zelensky obtiendra seul une majorité ou bien s’il devra former une coalition pour ensuite valider la nomination d’un Premier ministre et de son gouvernement.

Même si M. Zelensky n’a encore fait aucune proposition pour le poste de Premier ministre, des médias évoquent cinq hommes réputés réformateurs, dont Vladyslav Rachkovan, 41 ans, administrateur suppléant auprès du Fonds monétaire international (FMI), et l’ex-ministre de l’Economie d’origine lituanienne Aivaras Abromavicius, 43 ans.

La plupart des députés sortants et certains membres du gouvernement actuels sont hostile à M. Zelensky, qui a dissous, à peine investi, le Parlement élu en 2014 et convoqué des législatives sans attendre le scrutin prévu en octobre.

Si les analystes saluent avec prudence un renouvellement parlementaire, ils craignent un manque de compétence chez les nouveaux députés inexpérimentés et un possible « désordre ».

« L’expérience n’est pas la chose principale. L’absence d’expérience en matière de corruption est plus importante », ironise pour sa part Valentin, un ouvrier à Kiev, qui va voter pour le parti présidentiel.