Le Sénégal retenait son souffle jeudi matin, dans l’attente de l’annonce, imminente, des résultats provisoires du premier tour de la présidentielle qui a mis au prise le président sortant Macky Sall, dont le camp revendique la victoire, et quatre opposants toujours déterminés à le contraindre à un second tour à l’issue indécise.

Les « résultats officiels provisoires » du scrutin du 24 février, qui doivent être dévoilés à 11H00 (GMT et locales) par le président de la Commission nationale de recensement des votes (CNRV), le magistrat Demba Kandji, vont mettre « fin à la guerre des chiffres », estime Sud Quotidien, qui comme l’ensemble de la presse sénégalaise a les yeux rivés sur le Palais de justice de Dakar.

C’est dans ce bâtiment moderne, placé sous haute surveillance, que cette institution a examiné depuis mardi les procès-verbaux transmis par les commissions électorales décentralisées, réparties dans les 45 départements du pays, ainsi que les votes des Sénégalais de l’étranger.

Son verdict est susceptible de recours devant le Conseil constitutionnel, seul habilité à proclamer les résultats définitifs.

Dénonçant des « irrégularité », le Pastef-les Patriotes, la formation d’un des candidats les plus en vue, Ousmane Sonko, a appelé dans un communiqué à la « vigilance absolue » et à refuser tout « forcing » de la majorité pour déclarer vainqueur le président sortant, responsable selon elle d’un « recul démocratique ».

Les résultats égrenés par les médias sénégalais, qui ont collecté les données des procès-verbaux affichés devant chaque tribunal départemental, ont conforté l’optimisme du camp présidentiel, qui dès dimanche soir avait revendiqué la victoire au premier tour de Macky Sall par la voix du Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne.

– Risque politique –

L’annonce du chef du gouvernement avait provoqué la colère d’Ousmane Sonko, arrivé troisième selon la presse, et de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, deuxième, qui estiment au contraire un second tour « inévitable ».

Ces « déclarations contradictoires » des deux camps étaient « de nature à générer des tensions », a regretté mardi la cheffe de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne, Elena Valenciano, même si très peu d’incidents ont été relevés depuis dimanche.

Sur le plan politique, une seconde manche, dans un mois, pourrait s’avérer périlleuse pour le président sortant, qui a reconnu en décembre que l’opposition ferait dans ce cas certainement bloc contre lui. Macky Sall connaît d’autant mieux les risques que ce scénario lui avait permis en 2012, en tant que chef de file de l’opposition, de battre au second tour son prédécesseur, Abdoulaye Wade, qui avait viré en tête au premier.

– Concert de casseroles –

« Que chacun se prépare à dire non à cette forfaiture », a lancé à la veille de l’annonce des résultats une responsable d’une coalition de femmes de l’opposition, Nafissatou Wade, avant d’organiser un concert de casseroles devant le siège de campagne d’Idrissa Seck avec quelques dizaines de militantes.

Celles-ci ont été dispersées à coup de gaz lacrymogène par un important dispositif policier, qui a procédé à des interpellations, selon un correspondant de l’AFP.

S’il est réélu, Macky Sall entend poursuivre la mise en oeuvre de son « Plan Sénégal émergent », lancé en 2014, dont la première phase s’est principalement traduite par de grands travaux, notamment l’édification de la ville nouvelle de Diamniadio, à 32 km de Dakar, l’ouverture d’un nouvel aéroport international ou encore la construction d’un train express régional dont la mise en service est attendue dans les prochains mois.

L’opposition a dénoncé avant le vote l’invalidation des candidatures de Karim Wade, fils et ancien ministre du président Abdoulaye Wade (2000-2012), et de Khalifa Sall, maire déchu de Dakar, tous deux frappés par des condamnations judiciaires. Elle a aussi critiqué l’instauration d’un nouveau système de parrainages qui a éliminé 20 des 27 prétendants.

La participation a dépassé les 66%, selon une source proche du ministère de l’Intérieur.