Des appels croissants en faveur du jihad résonnent au Pakistan pour se dresser contre le voisin indien dans le disputé Cachemire, mettant sous pression le gouvernement qui lutte pour régner sur les milices armées sur son sol tout en faisant face à Delhi.

La semaine dernière, des centaines de personnes se sont rassemblées à Muzaffarabad, la capitale du Cachemire pakistanais, pour demander des représailles armées contre la décision de l’Inde de révoquer l’autonomie de la partie sous son contrôle à majorité musulmane.

Dans les mosquées et les marchés de Muzaffarabad, les appels au jihad prennent de l’ampleur, alors même que les analystes avertissent que toute violence terroriste pourrait miner les soutiens diplomatiques recherchés par le Pakistan pour contester la décision de New Delhi.

« Si l’Inde ne met pas fin à l’oppression, si Dieu le veut nous trouverons des armes à feu », a déclaré Tariq Ismail lors du rassemblement organisé par le groupe Hizb-ul-Mujahideen, désigné comme terroriste par les Etats-Unis.

A Muzaffarabad, les habitants estiment même que la décision de l’Inde allait pousser une nouvelle génération de jeunes pakistanais vers la radicalité, des années après l’insurrection sanglante des années 1980 au Cachemire indien qui a fait des dizaines de milliers de morts.

« J’ai six enfants. Je les enverrai pour le jihad si Dieu le veut », assure Muhammad Amjad, un ancien insurgé de 47 ans.

Bilouri Begum, 41 ans, a perdu son mari, son cousin et son neveu lors des précédentes guerres. « J’ai élevé mes fils. Si Dieu le veut, je les enverrai (pour le jihad) et j’irai aussi avec eux », dit-elle, les yeux emplis de larmes.

Ce sentiment ne se limite pas aux franges les plus extrémistes de la population.

La puissante armée pakistanaise considère depuis longtemps le Cachemire comme la question centrale des relations tendues avec le voisin et ennemi indien. Une grande partie des Pakistanais attend d’elle qu’elle agisse.

– Robinet qui fuit –

Les tensions au Cachemire, divisé entre l’Inde et le Pakistan lors de l’indépendance de 1947, ont déjà poussé les deux voisins dotés de l’arme nucléaire à deux guerres entrecoupées d’innombrables escarmouches au dessus de la Ligne de contrôle (LOC), la frontière de facto entre les deux pays.

Washington et New Delhi accusent depuis longtemps le Pakistan d’attiser l’insurrection au Cachemire indien et d’armer les groupes jihadistes.

Selon Amir Rana, analyste en sécurité, l’Inde attend « la moindre occasion » pour tirer parti des difficultés du Pakistan avec ses groupes terroristes. Toute attaque « aura de graves implications pour le Pakistan », a-t-il estimé.

Un attentat-suicide revendiqué par des rebelles pakistanais au Cachemire indien a failli déclencher une nouvelle guerre en début d’année, entraînant des frappes aériennes entre les deux pays.

Un nouvel attentat saperait l’autorité morale d’Islamabad sur ces groupes et entraverait les efforts pour remettre l’économie sur les rails. Le Pakistan espère un nouveau renflouement du Fonds monétaire international et cherche à tout prix à éviter d’être placé sur liste noire par un organisme de surveillance du financement du terrorisme.

« Toute activité jihadiste au Cachemire causera d’énormes dégâts au Pakistan, tant sur le plan diplomatique qu’économique », a renchéri l’analyste Khalid Ahmed. Selon lui, les jihadistes ne sont pas sous contrôle total du gouvernement, « ils ne l’ont jamais été ».

Myra MacDonald, experte des groupes jihadistes au Cachemire, a comparé l’emprise d’Islamabad sur les rebelles à « ouvrir et fermer un robinet qui fuit ». « Quoi que fasse le Pakistan, il y aura toujours de l’eau qui s’écoule ».

Evoquant l’attentat de Bombay (Inde) en 2008 perpétré par des rebelles pakistanais du Lashkar-e-Taiba ayant tué plus de 160 personnes, elle rappelle que « les groupes jihadistes étaient alors agités et avaient besoin d’une attaque spectaculaire pour satisfaire leurs partisans ».

« Un peu comme les grandes entreprises, ces groupes ont besoin de faire de la publicité pour leur marque de temps en temps afin de récolter de l’argent et du soutien », a indiqué Myra MacDonald. Et selon elle, « ce risque persistera jusqu’à ce qu’ils soient complètement démantelés ».