« Gbagbo et Blé Goudé vont revenir! », affirme avec conviction Bertin Ouraga Kouassi, chef de Mama, le village natal de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, dont le retour au pays reste incertain avant la présidentielle de 2020.
En liberté conditionnelle en Belgique, M. Gbagbo a été acquitté en première instance, ainsi que Charles Blé Goudé, par la Cour pénale internationale (CPI), mais ils doivent attendre la décision de la Cour concernant l’appel de la procureure.
M. Blé Goudé, ancien chef du mouvement pro-Gbagbo des Jeunes Patriotes, et son mentor sont jugés pour crimes contre l’humanité commis en 2010 et 2011 lors des violences post-électorales qui avaient fait 3.000 morts en Côte d’Ivoire.
L’éventuel retour en Côte d’Ivoire de l’ex-président Gbagbo (2000-2010), souvent annoncé par ses partisans, est devenu un serpent de mer de l’actualité ivoirienne, dans un contexte tendu.
L’ancien chef de l’Etat fait aussi face en Côte d’Ivoire à une condamnation à 20 ans de prison pour le « braquage » de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pendant la crise post-électorale de 2010-2011, qui n’a pas été amnistiée. Il s’agissait alors pour chaque clan qui revendiquait la victoire aux élections de mettre la main sur l’argent de l’Etat ivoirien.
Malgré toutes ces incertitudes, à Mama (sud-ouest), les 5.000 habitants croient dur comme fer au retour de « l’enfant du terroir ».
Le village est au cœur d’une forêt luxuriante. On y accède par une route bitumée bordée de lampadaires qui n’éclairent plus depuis la chute de Gbagbo en 2011.
« On a commencé à nettoyer les abords de la route menant au village. On se prépare », explique le chef de Mama. « Son arrivée est très attendue. Dans les hameaux, dans les champs, on ne parle que de son retour ».
« Nous souhaitons que notre fils revienne parmi nous parce qu’il manque à la région. On a hâte de le voir », raconte le chef âgé de 77 ans, dénonçant l’état de délabrement avancé de la résidence de l’ancien chef d’Etat.
– « Le socle de notre combat » –
« On est déçu. Sa résidence, envahie par les herbes, a besoin d’une réhabilitation de la toiture au plancher » raconte-t-il, devant des portails fermés à double tour et portant toujours les traces de la crise avec de nombreux impacts de balles.
Pour Joseph Goli Obou, un propriétaire terrien de Mama, son absence du pays « n’est pas un bon signe pour la réconciliation ».
Assis à l’ombre d’un manguier, le chef Goli table sur l’arrivée de Gbagbo avant la fin de l’année, suscitant l’étonnement dans l’assistance.
A 50 kilomètres à peine de Mama, on accède à Takoa par une piste en latérite. C’est le village de Blé Goudé. Ici, on crie « à l’acharnement politique et judiciaire ».
« Les nouvelles ne sont pas bonnes. Le pouvoir s’acharne sur Blé Goudé qui est notre fils, cela nous fait couler des larmes et c’est triste », estime Dominique Gnaoré, chef du village de Takoa.
M. Blé Goudé attend aux Pays-Bas la décision de la CPI, mais il est lui aussi visé par une procédure en cours en Côte d’Ivoire, pour « crimes contre les populations civiles et les prisonniers de guerre ». Il risque la prison à perpétuité.
« Entendre que Blé Goudé ne peut revenir dans son village est très inquiétant pour la réconciliation », déclare le chef de Takoa.
Son inquiétude est largement partagée par Lucie Blé Ozoua, la tante de l’ex-leader des Patriotes.
« Je souhaite que Goudé soit présent avant que la mort ne m’appelle. Je prie matin et soir pour qu’il me revienne », lance la septuagénaire, en larmes.
Étienne Zébé, le président de la mutuelle de Takoa, n’a qu’un seul conseil à prodiguer à Charles Blé Goudé.
« Il doit toujours suivre les pas de son père et son mentor, prendre conseil toujours auprès de Gbagbo », estime-il.
Habillée d’un t-shirt au dos duquel est inscrit Gbagbo + Goudé = 1, le responsable de la jeunesse de Takoa, Noël Tchétché, attend avec espoir le retour de Blé Goudé « pour continuer le travail ».
Elu en août à Abidjan à la tête de son parti, M. Blé Goudé, qui a reconnu avoir des ambitions présidentielles à long terme (après 2020), était dans les années 2000 surnommé « le général des rues » pour sa capacité à mobiliser les partisans du président de l’époque, Laurent Gbagbo, grâce au mouvement des Jeunes patriotes, souvent qualifié de milice.
« Il nous a transmis des valeurs de témérité et de fougue qui nous ont poussés à faire de la politique ». « On souhaite qu’il nous revienne le plus tôt possible, il est le socle de notre combat » poursuit-il.