L’ANC au pouvoir en Afrique du Sud a annoncé lundi suspendre l’ex-président du pays Jacob Zuma, qui avait indiqué le mois dernier vouloir faire campagne pour un autre mouvement en vue des prochaines élections.

La décision, largement attendue, est un nouveau signe révélateur des divisions au sein du mouvement à l’approche des élections générales prévues cette année: la date définitive n’a pas encore été annoncée mais elles doivent se tenir entre mai et août.

Eclaboussé par des scandales de corruption dans un contexte socio-économique morose, l’ANC, longtemps en position de force, pourrait y perdre sa majorité parlementaire pour la première fois de son histoire, selon les enquêtes d’opinion.

« Zuma et d’autres dont la conduite est en conflit avec nos valeurs et nos principes se retrouveront en dehors du Congrès national africain » (ANC), a déclaré Fikile Mbalula, le secrétaire général de l’ANC, qui gouverne le pays depuis la fin de l’apartheid au début des années 1990.

M. Mbalula a précisé qu’une procédure disciplinaire avait été lancée à l’encontre de M. Zuma et que l’ANC allait lancer une procédure judiciaire contre le nouveau mouvement de l’intéressé.

Le sulfureux et charismatique Jacob Zuma fut le quatrième président de l’Afrique du Sud démocratique, de 2009 à 2018, mais il avait dû quitter le pouvoir à cause d’affaires de corruption et s’est brouillé avec le parti qu’il a un jour dirigé.

En décembre, M. Zuma, 81 ans, avait déclaré qu’il ferait campagne pour un nouveau petit parti radical, Umkhonto We Sizwe (MK, ou « Fer de lance de la nation »), baptisé du nom de la branche militaire de l’ANC pendant la période de l’apartheid.

Mais l’ex-président n’avait pas quitté l’ANC dont il a longtemps été un pilier, faisant croire à certains experts qu’il espérait en être expulsé afin de rassembler plus de partisans.

Près d’un Sud-Africain sur trois a déclaré dans un sondage publié la semaine dernière avoir une opinion positive de Jacob Zuma.

Le think tank sud-africain Social research foundation (SRF), auteur du sondage réalisé en octobre, a toutefois souligné qu’une opinion favorable ne se traduit pas automatiquement par un soutien dans les urnes: « Le nouveau projet politique de M. Zuma pourrait, au mieux, réduire de quelques points la base de soutien de l’ANC ».

« Renouvellement » de l’ANC

Fikile Mbalula a expliqué qu’en plus de suspendre M. Zuma, l’ANC allait porter plainte devant la cour électorale afin que son nouveau parti soit désinscrit, et lancer une procédure afin de récupérer son nom.

« La création du parti MK n’est pas un accident », a estimé M. Mbalula après une réunion du comité exécutif de l’ANC, auquel a participé le président sud-africain Cyril Ramaphosa.

« C’est une tentative délibérée d’utiliser la fière histoire de la lutte armée contre le régime d’apartheid afin de donner de la crédibilité à ce qui est un programme contre-révolutionnaire flagrant », a-t-il dénoncé.

« Une fois que vous vous définissez comme allié d’un autre parti, vous remettez en question votre statut de membre et c’est pour cela que le comité exécutif national (de l’ANC) a pris la décision qu’il a prise », a déclaré après l’annonce Cyril Ramaphosa à la chaîne publique SABC.

Le chef de l’Etat a indiqué que l’ANC avait tenté de joindre M. Zuma avant de prendre sa décision, ajoutant que le choix de ce dernier pour le MK était « une surprise totale ».

« Le renouvellement de l’ANC se poursuit sans faiblir, nous continuons de nous renouveler, nous continuons de nous améliorer et dans cette (…) marche en avant, nous constaterons qu’il y en a certains qui chuteront », a encore lancé M. Ramaphosa.

Jacob Zuma, après avoir été chassé du pouvoir en 2018, avait été remplacé par son vice-président de l’époque, Cyril Ramaphosa. Les relations entre les deux hommes sont tendues depuis. Le mois dernier, M. Zuma avait qualifié le gouvernement de M. Ramaphosa de « vendus » et de « collaborateurs de l’apartheid ».

Encore poursuivi dans plusieurs affaires de corruption, Jacob Zuma, condamné en 2021 à 15 mois de prison pour outrage à la justice, ne peut théoriquement pas briguer de nouveau mandat, en ayant déjà exercé deux en tant que président.