Un juge fédéral doit dire jeudi s’il ordonne à la Maison Blanche de rendre son accréditation à un journaliste de CNN, privé d’accès à la présidence des Etats-Unis après un échange houleux avec Donald Trump.
Le juge Timothy J. Kelly doit rendre sa décision à 15H00 (20H00 GMT) à Washington. Il a été saisi en urgence par la chaîne câblée qui demande la restitution du badge d’entrée à la présidence pour son journaliste vedette Jim Acosta.
Ce dernier a perdu le précieux sésame le 7 novembre après une conférence de presse tendue, où il avait un temps refusé de rendre son micro, relançant avec insistance le président Trump qui refusait de répondre à une question sur sa politique migratoire.
CNN avait alors déposé une plainte au nom du Premier amendement de la Constitution américaine, qui défend la liberté de la presse. Elle a reçu le soutien de nombreux médias américains, y compris sa concurrente Fox News, dont plusieurs présentateurs sont pourtant des partisans déclarés du président Trump.
Les accréditations « ne devraient pas être utilisées comme une arme », a expliqué le président de Fox News, Jay Wallace, tout en soulignant « désapprouver le ton antagoniste croissant employé à la fois par le président et les médias ».
Les journalistes couvrent pour la plupart avec un oeil critique le 45e président des Etats-Unis, qui en retour ne cesse de dénigrer leur travail, qualifié de mensonger (« Fake news »). Et dans sa rhétorique, CNN est fait même figure d' »ennemi du peuple ».
Pour cette raison, l’avocat de la chaîne Ted Boutrous a soutenu mercredi devant le juge Kelly que l’éviction de Jim Acosta n’avait rien à voir avec son comportement. Selon lui, le président Trump « n’aime pas le journalisme de CNN et de M. Acosta » et a pris une mesure « discriminatoire » pour écarter un journaliste gênant.
– « Trump le plus aggressif » –
Faux, a rétorqué James Burnham, qui défendait la Maison Blanche: Jim Acosta a été exclu parce qu’il « avait perturbé la conférence de presse ».
D’ailleurs, a-t-il noté, si le président devait exclure toutes les voix critiques, il aurait retiré d’autres laissez-passer. Or, selon lui, 50 journalistes de CNN restent accrédités.
De toute manière, « le Premier amendement ne crée par un droit à entrer dans la Maison Blanche », a-t-il plaidé. Le président a « toute discrétion » pour choisir quels sont les journalistes autorisés à entrer dans « son lieu de vie et de travail ».
James Burnham a toutefois dû concéder que, dans le passé, d’autres journalistes s’étaient montrés offensifs en conférence de presse mais que leur accréditation ne leur avait pas été retiré. « Ce n’est pas juste de dire que parce qu’un président a géré une situation d’une manière », un autre doit faire de même, a-t-il ajouté.
« Donald Trump était la personne la plus agressive de la pièce, il a posé le ton », lui a répondu l’avocat de CNN, en estimant normal dans une démocratie que le débat soit parfois vif.
La passe d’armes entre les deux défenseurs s’est déroulée en présence de Jim Acosta, qui n’a assisté à l’audience sans prendre la parole.
Elle a été orchestrée par le juge Kelly, nommé il y a un an par Donald Trump. Le magistrat a procédé à un interrogatoire rigoureux des deux parties, sans donner d’indices sur son opinion.
Jeudi, il doit rendre une décision sur une « injonction temporaire de restitution de l’accréditation »: CNN défend que Jim Acosta ne peut plus travailler et qu’il est urgent de lui rendre son badge, même de manière temporaire, quitte à revenir ultérieurement sur le fond du dossier.