Un ancien procureur de Séoul a été condamné mercredi pour abus de pouvoir à deux ans de prison, en lien avec une affaire très médiatisée qui avait été le déclencheur du mouvement #MeToo en Corée du Sud.
Ahn Tae-geun avait été accusé d’avoir peloté de façon insistante une subordonnée, Seo Ji-hyun, lors des funérailles du père d’un autre collègue en 2010. Mme Seo s’en était plainte, ce qui lui avait valu une mutation et une rétrogradation et sa carrière avait stagné pendant des années.
En janvier 2018, la magistrate s’était finalement résolue à briser les tabous et à en parler publiquement, racontant son expérience en larmes à la télévision. C’était sans précédent, car nombre de victimes de harcèlement restent silencieuses en Corée du Sud pour ne pas être ostracisées.
L’interview avait servi de catalyseur et de nombreuses femmes ont fait depuis des révélations similaires, accusant des figures du monde des arts, de la politique et même de la religion de viol ou d’agressions sexuelles.
M. Ahn, qui avait été limogé en 2017 pour corruption, n’avait pas été inculpé d’agression sexuelle en raison de la prescription — un an — mais pour abus de pouvoir pour avoir obtenu la mutation de son accusatrice.
Il a été reconnu coupable de ce délit par le tribunal du district central de Séoul et condamné mercredi à deux ans de prison.
Il y a suffisamment de preuves pour affirmer que M. Ahn a muté Mme Seo de Séoul « parce qu’il redoutait les conséquences de sa plainte interne », a déclaré le juge Lee Sang-ju.
M. Ahn a toujours démenti, expliquant qu’il était trop ivre pour se souvenir des obsèques en question. Mais le juge a considéré qu’il était nécessairement au courant de l’enquête interne quand Mme Seo a été mutée.
Demeuré libre sous caution pendant l’enquête, M. Ahn a été arrêté au tribunal.
La Corée du Sud figure parmi les économies les plus avancées du monde. Mais elle est régulièrement à la traîne des classements de l’OCDE relatifs à l’égalité salariale et à la place des femmes dans le management.
Beaucoup de Sud-Coréennes ont été harcelées sexuellement au travail mais celles qui osent parler sont souvent sanctionnées, voire licenciées sans autre forme de procès.
Et dans une société déjà très conservatrice et patriarcale, l’institution judiciaire passe pour être particulièrement traditionaliste.
Les femmes en Corée du Sud représentent 30% des procureurs mais n’occupent que 8% des postes de chefs. Selon une récente étude gouvernementale, 70% des magistrates du parquet ont subi du harcèlement sexuel ou des agressions.