Le mouvement qui a mené la contestation dans la rue contre le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, renversé par un putsch, a rejeté la charte entérinée par la junte, prévoyant une transition de 18 mois.

Le groupe de colonels qui a renversé le 18 août M. Keïta est sous forte pression pour dévoiler son plan de restauration d’un pouvoir civil.

Au pouvoir depuis 2013, le président déchu était affaibli par des mois de contestation face à la grave crise sécuritaire, économique et institutionnelle traversée par le pays, mais aussi la corruption reprochée à toute la classe politique.

La coalition d’opposants, de chefs religieux et de membres de la société civile qui a conduit cette mobilisation a rejeté la « charte de transition » adoptée samedi par des experts désignés par la junte fixant les conditions du retour à un pouvoir civil.

Dans un communiqué reçu dimanche par l’AFP, le mouvement dénonce « la volonté d’accaparement et de confiscation du pouvoir au profit du CNSP » (Conseil national de salut du peuple, institué par les putschistes).

Le Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) affirme que « le document final lu lors de la cérémonie de clôture » de trois journées de concertation nationale sur la transition à Bamako ne correspond pas au résultat des délibérations.

Il cite notamment l’absence de reconnaissance de son rôle et de celui des « martyrs dans la lutte du peuple malien pour le changement », ainsi que du « choix majoritaire d’une transition dirigée par une personnalité civile ».

« Le M5-RFP dénonce les intimidations, les pratiques antidémocratiques et déloyales dignes d’une autre époque » et « se démarque du document produit qui ne reflète pas les points de vue et les décisions du peuple malien ».

 

– Président militaire ou civil ? –

 

La « charte de transition » adoptée samedi au terme de ces discussions réunissant personnalités politiques et de la société civile – dont des représentants du M5-RFP – ainsi que des militaires n’a pas été publiée dans l’immédiat.

Mais le document en discussion samedi prévoyait une transition de 18 mois, conduite par un président désigné par un comité lui-même établi par la junte, selon des correspondants de l’AFP.

Selon des participants, le document adopté ne tranche pas sur la question cruciale de savoir si ce président pourrait être aussi bien un militaire qu’un civil.

Or, certains partenaires internationaux du Mali, à commencer par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), réclament un retour des civils dans un an maximum, au terme d’une transition dirigée par des civils.

« Nous demandons et espérons la compréhension l’appui et l’accompagnement de la communauté internationale dans cette mise en œuvre diligente et correcte de la charte et de la feuille de route de la transition », a déclaré le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, samedi à la clôture des travaux.

La Cédéao, qui a imposé au Mali un embargo sur les flux commerciaux et financiers, a donné à la junte jusqu’à mardi pour désigner un président et un Premier ministre civils.

La France, principal allié du Mali contre les jihadistes avec plus de 5.000 hommes déployés au Sahel, pousse aussi à avancer vite sur la voie d’un retour à un régime civil.

Des responsables de la junte devraient aller à la rencontre de chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao qui se réuniront mardi à Accra, la capitale ghanéenne, a dit à l’AFP un collaborateur de l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, qui a mené une longue médiation dans cette crise.

Les partisans d’une transition longue sous l’égide des militaires arguent du temps et de l’autorité nécessaires pour redresser un pays au bord du gouffre.

Les autres invoquent au contraire le risque d’une instabilité encore accrue dans un Sahel déjà travaillé par les groupes jihadistes, et le mauvais exemple régional donné par une junte installée durablement au pouvoir.