L’ancien président du Botswana, Ian Khama, a déclaré samedi une guerre sans précédent à son successeur, Mokgweetsi Masisi, en claquant la porte de leur parti et en annonçant vouloir tout faire pour obtenir sa défaite aux élections d’octobre.

« Je suis là pour corriger l’erreur que j’ai faite en choisissant le président Mokgweetsi Masisi comme successeur », a déclaré M. Khama devant des milliers de partisans réunis dans son fief de Serowe, dans le centre du pays.

« Je suis ici aujourd’hui pour vous dire que je quitte le BDP (Parti démocratique du Botswana, au pouvoir), je rends ma carte de membre du BDP », a-t-il poursuivi en joignant le geste à la parole, aussitôt imité par la foule.

« Je ne reconnais plus le BDP », a insisté Ian Khama.

Pressenti depuis des mois, le retour dans l’arène politique d’un chef de l’Etat sortant est une grande première dans l’histoire du Botswana démocratique, dirigé par le même BDP depuis son indépendance en 1966.

Fils du premier président du pays Seretse Khama, Ian Khama a quitté ses fonctions en avril 2018 pour respecter la Constitution qui limite à dix ans le règne des présidents.

Il a alors passé le relais à son vice-président, Mokgweetsi Masisi.

Leurs relations se sont depuis rapidement dégradées, le second prenant systématiquement le contrepied du premier sur des questions emblématiques comme l’environnement.

Le président Masisi a ainsi suscité la colère de nombreux défenseurs de la faune et de la nature cette semaine en annonçant la suspension de l’interdiction de la chasse aux éléphants, décrétée en 2014 par son prédécesseur Khama.

Dès le mois de mars, Ian Khama avait publiquement accusé son successeur de « trahison ». « Il avait un caractère dont je me suis senti très proche (…). Malheureusement, j’ai réalisé depuis que je m’étais peut-être trompé », avait-il confié à la télévision.

– « Situation pas saine » –

Non content de quitter le parti au pouvoir, l’ex-chef de l’Etat a fait de sa défaite aux élections générales d’octobre sa priorité.

« Je vais aider les partis d’opposition à combattre le BDP », a-t-il dit. « Je sais que certains d’entre vous sont gênés de jeter leur carte du BDP mais ils peuvent voter pour les candidats de l’opposition pour faire chuter le parti au pouvoir ».

Le parti au pouvoir n’a pas dans l’immédiat réagi aux déclarations de son ancien président.

Sa décision a toutefois été largement approuvée par ses partisans.

« Ce que Khama a fait est juste. La situation au BDP n’est pas saine », a réagi Gosa Rapelang, 35 ans, qui a fait plus de 200 km pour assister à son discours. « Nous sommes prêts à le suivre partout où il ira ».

« Ces deux-là devraient s’asseoir et tenter de résoudre leurs différends », a estimé, plus mesuré, Goitsemodimo Ramadi, un chômeur âgé de 30 ans. « Moi, je ne suis pas encore sûr de voter pour un parti d’opposition », a-t-il ajouté.

L’hostilité désormais frontale entre les deux dirigeants risque de modifier la donne des élections d’octobre, qui semblaient jusque-là promises à Mokgweetsi Masisi.

« Ces élections ne seront pas faciles à gagner pour le BDP », a pronostiqué l’analyste politique indépendant Anthony Morima.