Le président français Emmanuel Macron, qui s’est posé en rempart contre le populisme et en chantre de la refondation de l’UE, risque gros en termes d’image et d’influence s’il rate son pari aux élections européennes.
« Au niveau du symbole, perdre les élections européennes dans son propre pays serait un désaveu pour quelqu’un d’aussi pro-européen », esquisse Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors, un centre de réflexion fondé par l’ex-président français de la Commission européenne.
Vainqueur de la présidentielle en 2017 face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron a fait de la lutte contre les populistes et les nationalistes la mère de toutes les batailles.
Mais à une semaine du scrutin, le 26 mai, son parti est au coude-à-coude dans les sondages avec le Rassemblement national de Marine Le Pen qui compte bien prendre sa revanche sur 2017 (chacun est crédité d’environ 22%).
Le chef de l’Etat a aussi placé la « renaissance de l’Europe » au cœur de son action, multipliant les propositions sur la zone euro, la défense ou le salaire minimum européen pour tenter de faire bouger les lignes dans l’UE.
« L’enjeu pour Emmanuel Macron c’est d’être influent dans le futur Parlement européen, qui a de vrais pouvoirs et est un vrai législateur, ce qui n’est pas gagné », poursuit Sébastien Maillard.
« Si vous n’avez pas de relais au Parlement européen, votre influence européenne est entravée. C’est cela qui se joue avec ces élections, face au risque nationaliste », renchérit-t-on à l’Elysée.
– Plaques tectoniques –
Après avoir bousculé l’échiquier politique français avec sa devise « ni de droite, ni de gauche », le parti présidentiel La République en marche (LREM) ambitionne de récidiver au Parlement européen.
Mais la tâche s’annonce ardue face aux conservateurs du PPE (Parti populaire européen) et aux Socialistes et Démocrates (S&D), deux places-fortes de l’hémicycle européen.
Au vu des sondages, le groupe que le président compte créer, avec les forces libérales d’ALDE, peut espérer une centaine de sièges sur 751.
Le PPE et S&D, qui dominaient le Parlement, devraient perdre leur capacité à former une majorité à eux seuls mais resteront incontournables (ils sont crédités d’environ 180 et 150 sièges).
Ces jeux de plaques tectoniques alimentent les tensions entre Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel, dont le parti (CDU) est une clé de voûte du PPE, au moment où le couple franco-allemand est grippé.
« Macron défie le PPE alors que l’intérêt de Merkel est de garder un PPE le plus solide possible », souligne Claire Demesmay à l’Institut allemand de politique étrangère (DGAP).
Il est aussi hostile à la règle du « Spitzenkandidat » imposée en 2014 par le Parlement européen en vertu de laquelle la famille politique arrivée en tête du scrutin décroche la présidence de la Commission européenne.
L’Allemand Manfred Weber, soutenu par la chancelière, paraît favori mais Paris pourrait avoir un autre candidat en tête, le Français Michel Barnier, négociateur en chef de l’UE sur le Brexit.
– « Tenir sa capitale » –
Le chef de l’Etat, en perte de vitesse en interne comme à l’extérieur depuis un an, cherche aussi à retrouver ses marques en Europe à travers ce scrutin.
« Le paysage européen est très éclaté, il n’y a pas de leadership et Macron n’a pas réussi à imposer le sien », considère Jean-Thomas Lesueur, politologue à l’Institut franco-belge Thomas More.
A son arrivée au pouvoir, le président français incarnait par sa jeunesse et son audace politique face au « vieux monde » l’espoir d’un vent nouveau.
« Il y a un an, il recevait le Prix Charlemagne à Aix-la-Chapelle, c’était un peu un moment de grâce et une façon de saluer le réveil de l’Europe qu’il tentait d’insuffler », rappelle Sébastien Maillard.
Mais il était surtout attendu sur sa capacité à réduire les déficits et à réformer la France. Et là, « les Allemands ont assez vite déchanté », note Jean-Thomas Lesueur.
Emmanuel Macron a en particulier annoncé des plans d’un coût de 17 milliards d’euros pour désamorcer la crise sociale des « gilets jaunes » qui a dégénéré à plusieurs reprises en émeutes de rue à Paris.
« Je me souviens d’un eurodéputé allemand disant + si on ne peut pas tenir sa capitale, comment prétendre vouloir gouverner l’Europe+. Son capital politique a été sérieusement entamé en Europe », estime Sébastien Maillard.