La justice française a annulé jeudi l’inculpation pour « complicité de crimes contre l’humanité » du cimentier français Lafarge, qui a fusionné avec le suisse Holcim, mais maintenu les autres inculpations, notamment pour « financement du terrorisme » en Syrie, a-t-on appris auprès des avocats et de source judiciaire.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a également maintenu les mises en examen (inculpations) du cimentier pour « violation d’un embargo » et « mise en danger de la vie » d’anciens salariés de son usine syrienne de Jalabiya.

Dans cette affaire, Lafarge SA, propriétaire de Lafarge Cement Syria (LCS), est soupçonné d’avoir versé en 2013 et 2014, via cette filiale, près de 13 millions d’euros à des groupes jihadistes, dont l’organisation Etat islamique (EI), afin de maintenir l’activité de son site en Syrie, alors que le pays était ravagé par la guerre.

« La chambre de l’instruction a fait le même constat que nous, à savoir qu’il n’existe pas d’éléments justifiant la mise en examen de Lafarge SA pour ce crime » (contre l’humanité), se sont félicités les avocats du groupe cimentier, Christophe Ingrain et Rémi Lorrain.

La mise en examen pour « complicité de crimes contre l’humanité » du groupe français, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim, avait suscité de vives réactions dans le monde économique. Selon l’ONG Sherpa, il s’agissait d’une première mondiale pour une entreprise.

Interrogée par l’AFP, Marie Dosé, l’avocate de Sherpa, qui avait porté plainte en 2017 contre le cimentier français, a rappelé que l’entreprise restait mise en examen pour « financement du terrorisme », « ce qui reste » là aussi « une première dans le monde judiciaire ».

L’ONG et d’autres associations se sont vues écartées du dossier par la même cour d’appel de Paris, qui a annulé fin octobre leurs constitutions de partie civile.

« C’est une défiance judiciaire assumée envers les ONG et la société civile, or sans elles ce dossier n’existerait pas », a estimé Mme Dosé.

Outre Lafarge, trois dirigeants du groupe contestaient leur mise en examen: l’ancien PDG Bruno Lafont, l’ex-directeur Sûreté de l’entreprise Jean-Claude Veillard et l’un des ex-directeurs de la filiale syrienne, Frédéric Jolibois.

Selon les avocats, la Cour d’appel a réduit les charges pesant sur Jean-Claude Veillard, mais maintenu les autres poursuites.

Dans le cadre de l’information judiciaire ouverte en 2017 après des plaintes de plusieurs associations et du ministère français de l’Economie, huit cadres de Lafarge au total été mis en examen, pour « financement d’une entreprise terroriste » et/ou « mise en danger ».