La Papouasie-Nouvelle-Guinée a demandé à Pékin de refinancer l’intégralité de sa dette publique, de l’ordre de sept milliards d’euros, une requête susceptible d’irriter l’Australie et les Etats-Unis inquiets de l’expansionnisme chinois dans le Pacifique.
Les autorités chinoises ne cessent de renforcer leur présence dans la zone à coups de prêts et de financement d’infrastructures, ce qui a poussé Canberra et Washington à lancer leur propre offensive de charme pour ne pas perdre leurs alliés insulaires traditionnels.
Moins de deux semaines après avoir effectué en Australie sa première visite officielle à l’étranger depuis son arrivée à la tête du gouvernement papouasien, James Marape a annoncé mardi qu’il avait demandé à Pékin son aide pour le refinancement d’une dette publique de 27 milliards de kinas (7,1 milliards d’euros), à l’occasion d’une réunion à Port Moresby avec l’ambassadeur de Chine.
« Il a dit qu’une lettre officielle serait adressée à l’ambassadeur pour qu’il la transmette à Pékin », a indiqué dans un communiqué le cabinet du Premier ministre.
« Il a suggéré que la Banque de Papouasie-Nouvelle-Guinée et la Banque de la République populaire de Chine prennent les choses en main avec le département du Trésor pour lancer les consultations. »
– Faire monter les enchères –
Depuis qu’il est devenu Premier ministre il y a deux mois et demi, M. Marape a déclaré la guerre à la corruption endémique dans son pays et promis de rééquilibrer ses relations avec ses alliés, ainsi qu’avec les multinationales qui exploitent les vastes ressources minières de la Papouasie.
Le communiqué précise que le Premier ministre a exhorté Pékin à conclure un accord de libre-échange avec les Nations du Pacifique et encouragé la Chine à doper ses investissements en Papouasie dans les secteurs de l’exploitation forestière, de la pêche et des ressources minières.
De son côté, l’ambassadeur de Chine Xue Bing a fait part de ses préoccupations quant au fait que la prochaine réunion du Forum des îles du Pacifique (FIP) se tienne aux Tuvalu, un petit archipel qui continue d’avoir des relations diplomatiques avec Taïwan, et non avec Pékin.
Jonathan Pryke, expert des questions relatives au Pacifique au sein de l’Institut Lowy, a estimé que cette requête, juste après que l’Australie eut déroulé le tapis rouge pour M. Marape, était de nature à susciter l’ire de Canberra et Washington.
« Si la Chine restructurait l’ensemble de la dette de la Papouasie, elle deviendrait son plus gros bailleur individuel, ce qui lui donnerait une très grande influence sur le pays », a-t-il dit.
« Rien ne nous dit que la Chine voudra le faire, mais le cas échéant, je m’attends à ce qu’elle demande d’importantes concessions. »
De son côté, le département australien des Affaires étrangères a indiqué dans un communiqué qu’il saluait toute forme de « soutien apporté aux besoins en développement de nos partenaires du Pacifique » à la condition que l’aide soit « transparente, qu’elle respecte les standards internationaux, réponde à des besoins véritables et évite de se traduire par des dettes supplémentaires qui ne soient pas viables ».
La Chine a souvent été accusée d’utiliser sa force de frappe financière pour étendre son influence et de piéger certains pays vulnérables dans un endettement insoutenable.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée a un besoin urgent de fonds, observe M. Pryke. Sa dette représente près de 33% de son PIB, et son remboursement engouffre 15 de son budget annuel. La Chine ne détient actuellement que 7% de la dette totale de la Papouasie, explique-t-il.
M. Pryke a cependant relevé que Pékin n’avait par le passé jamais racheté l’intégralité de la dette publique d’un pays et a avancé la possibilité que M. Marape cherche surtout à faire monter les enchères avec Canberra.
« Dire que +la Chine veut discuter avec nous+ est une façon d’obtenir davantage d’engagement de l’Australie », explique-t-il.