Poussés par la faim et le manque de médicaments, des centaines de combattants de l’opposition sud-soudanaise désertent des camps où ils doivent être enregistrés et entraînés dans le cadre d’un accord de paix.
Le processus de regroupement des combattants dans des camps militaires en vue de former une armée unifiée, forte de 83.000 hommes, est une des pierres angulaires de l’accord de paix conclu en septembre 2018.
Mais cette opération est ponctuée de retards et le manque d’entraînement des combattants constitue un obstacle majeur alors que la date-butoir du 12 novembre pour la formation d’un gouvernement de partage entre le président Salva Kiir et son rival de longue date Riek Machar approche.
Sur l’un des plus grands sites de cantonnement dans le village de Pantit, près de la ville d’Aweil, dans le nord du pays, des centaines de soldats dorment sous des arbres et sont obligés de s’abriter chez des habitants dans leur hutte faite de boue quand il pleut.
Le lieutenant-général Nicodemus Deng Deng, responsable de la caserne, déclare que cela fait deux mois qu’ils n’ont pas reçu de nourriture.
Les réserves de vivres « ont été consommées et nous n’avons plus de nourriture sur le terrain », a déclaré cet officier, ajoutant qu’environ 700 soldats enregistrés ont quitté le camp à cause de ces conditions.
« Nous survivons grâce à la nourriture de la communauté (locale), nous allons cultiver avec eux, et nous allons chercher les arachides dans leurs fermes pour survivre », a déclaré Deng.
L’accord de paix prévoyait qu’au moins la moitié des 83.000 membres des forces armées soient dans des casernes, entraînés et déployés avant septembre 2019.
La semaine dernière, la Commission mixte de suivi et d’évaluation (JMEC), chargée de superviser la mise en œuvre de l’accord de paix, a déclaré que sur 25 sites de cantonnement de l’opposition, 24 étaient opérationnels et que sur les 10 casernes repertoriées pour les forces gouvernementales, six étaient opérationnelles.
Cependant, l’enregistrement est toujours en cours et la formation n’a pas encore commencé.
– « Désespérés et en colère » –
Lors d’une visite à Pantit, William Gallagher, le chef de la CTSAMM – structure chargée de la surveillance du cessez-le-feu-, estime positif l’enregistrement des forces présentes dans les camps.
Mais, malheureusement, « bon nombre de ces soldats enregistrés ont depuis déserté à cause de conditions de vie inacceptables », déclare-t-il.
« C’est un problème extrêmement grave auquel des milliers de soldats et des membres de leur famille sont actuellement confrontés dans les sites de cantonnement du Soudan du Sud, sans nourriture, la plupart du temps, sans eau, et tous sans médicaments, ils sont désespérés, ils sont en colère et ils ne voient aucune solution au problème », a-t-il ajouté.
Alors que le Japon et la Chine ont financé l’achat d’eau et de riz destinés aux camps, les donateurs occidentaux rechignent à financer le processus, reprochant notamment le manque de transparence fiscale de Juba.
Dans le même temps, la situation dans la caserne de Pantit exerce une pression considérable sur les communautés locales, qui luttent elles-mêmes pour leur survie.
« Nous avons (des soldats) qui viennent chez nous ici, ils n’ont pas d’eau pour boire et ils n’ont pas non plus de jerricans pour aller chercher de l’eau, mais nous, les hôtes nous souffrons aussi », déclare Ajok, un habitant de Pantit, âgé de 50 ans.
Le Soudan du Sud a sombré dans la guerre civile en décembre 2013, deux ans après son indépendance du Soudan, lorsque M. Kiir, un Dinka, a accusé M. Machar, alors son vice-président, membre de l’ethnie Nuer, de fomenter un coup d’État.
Le conflit, marqué par des atrocités, a fait plus de 380.000 morts et poussé plus de quatre millions de Sud-Soudanais, soit près d’un tiers de la population, à quitter leurs foyers.
L’accord de paix conclu en septembre 2018 a entraîné une forte baisse des combats, même s’ils n’ont pas complètement cessé. Le délai négocié en mai devait notamment permettre de procéder au cantonnement des combattants et à leur intégration dans une armée unifiée.
Le CICR a souligné la semaine dernière que plus de la moitié de la population a encore faim et que des millions de personnes dépendent toujours de l’aide alimentaire.