C’est « un gamin qui joue à la politique », dit de lui Nicolas Maduro. Mais Juan Guaido, député de 35 ans, est devenu en quelques jours le visage de l’opposition vénézuélienne et a réussi à remobiliser les adversaires du président, divisés et affaiblis ces derniers temps.
Ce parfait inconnu, au physique élancé et à la voix posée, devenu le plus jeune président du Parlement le 5 janvier, parviendra-t-il à durer et à gérer la pression qui pèse désormais sur ses épaules?
Ces dernières années, les précédentes figures montantes de l’opposition, Leopoldo Lopez, Henrique Capriles ou Freddy Guevara, ont fini par disparaître du paysage politique, après avoir été respectivement détenu puis assigné à résidence, privé de ses droits civiques et s’être réfugié à l’ambassade du Chili à Caracas.
Le Venezuela, « c’est un pays habitué à l’incarnation (du pouvoir) et au caudillisme et l’on est en train de placer une charge importante sur les épaules de Juan (Guaido). Le changement ne dépend pas que de lui, il dépend de tout le monde », explique à l’AFP Juan Andrés Mejia, député de 32 ans, qui appartient comme lui au parti Volonté Populaire (VP) de Leopoldo Lopez.
Depuis qu’il a endossé le costume de chef de file de l’opposition, ce grand brun au teint mat, jusqu’ici peu habitué aux discours, est rapidement passé de l’ombre à la lumière tout en prenant de épaisseur politique.
Dans la foulée de sa prise de fonction de président du Parlement, seule institution contrôlée par l’opposition, cet ingénieur industriel aux origines modestes reçoit le soutien de Luis Almagro, le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), qui le qualifie de « président par intérim », des Etats-Unis et du Brésil, désormais dirigé par le président d’extrême droite Jair Bolsonaro.
Dimanche, les images de son arrestation par les services de renseignement vénézuéliens (Sebin), lors d’une opération spectaculaire au milieu de l’autoroute, alors qu’il se rendait à une réunion politique, font le tour du monde. Il sera relâché au bout d’une heure.
– « Nouveau visage » –
Deux jours après, mardi, le vice-président américain Mike Pence l’appelle pour souligner son « leadership courageux » et exprimer le « soutien ferme » des États-Unis à l’Assemblée nationale du Venezuela qu’ils considèrent comme « la seule entité démocratique légitime de ce pays ».
Juan Guaido multiplie les fronts contre le pouvoir chaviste (du nom de l’ancien président Hugo Chavez): promesse d' »amnistie » aux militaires acceptant de rejoindre l’opposition, appel à manifester le 23 janvier, proposition d’un gouvernement de transition, Nicolas Maduro officiellement qualifié d' »usurpateur » par le Parlement.
« Une de ses principales qualités c’est de monter des équipes. Il comprend les différentes positions et fait tout ce qui est possible pour n’en faire qu’une », poursuit Juan Andrés Mejia.
Au fur et à mesure qu’il engrange des soutiens, il apparaît de plus en plus à l’aise en public.
« Je suis un survivant, pas une victime », aime à rappeler Juan Guaido, marié et père d’une petite fille, en référence à la tragédie de 1999 dans l’Etat de Vargas (nord) dont il sortira indemne.
En décembre de cette année-là, des pluies diluviennes causent d’énormes éboulements dans cette zone, à 25 kilomètres au nord de Caracas, provoquant la mort de 10.000 personnes, selon la Croix Rouge.
Il vit alors dans cette région côtière avec sa mère et ses cinq frères et soeurs. « Je sais ce que c’est d’avoir faim », confie-t-il.
Juan Guaido débute en politique en 2007 avec la génération des étudiants qui descendent dans la rue contre le défunt ex-président Hugo Chavez (1999-2013).
« Guaido est un nouveau visage, vu comme un homme de consensus par les modérés et respecté aussi par les radicaux pour avoir participé activement aux manifestations », explique à l’AFP Diego Moya-Ocampos, analyste du cabinet IHS Markit, basé à Londres.
Membre fondateur du parti Volonté Populaire en 2009, il en devient un des chefs de file, son leader Leopoldo Lopez ayant passé ces dernières années en prison ou assigné à résidence, accusé d’incitation à la violence lors d’une vague de manifestations en 2014.
Suppléant en 2010, Juan Guaido est élu député de son Etat de Vargas en 2015.
« Je ne savais pas qui c’était. Espérons qu’il ne nous décevra pas », confie José Hernandez, 24 ans, qui assiste à un de ses discours.