Human Rights Watch (HRW) a dénoncé de « graves abus » et « crimes de guerre » commis par les forces de sécurité égyptiennes et la branche locale du groupe Etat islamique (EI) qui s’affrontent dans le nord de la péninsule du Sinaï, selon un rapport publié mardi.

Le rapport de 134 pages intitulé « Si vous craignez pour vos vies quittez le Sinaï: abus des forces de sécurité égyptiennes et des affiliés à l’EI dans le Nord-Sinaï », a été réalisé sur la base de plus de 50 témoignages de résidents, d’anciens responsables locaux et internationaux.violences

Les autorités égyptiennes n’avaient pas réagi à la publication du rapport mardi matin peu après sa publication.

L’insurrection jihadiste dans le Nord-Sinaï s’est intensifiée après la destitution par l’armée en 2013 du président islamiste Mohamed Morsi à la faveur d’un mouvement populaire. En 2014, Ansar Beit al-Maqdis, le principal mouvement jihadiste de cette péninsule de l’est de l’Egypte, a fait allégeance à l’EI sous le nom de « Province du Sinaï ».

L’organisation de défense des droits humains qui se fonde sur les déclarations du gouvernement et des informations de presse, affirme qu’entre janvier 2014 et juin 2018, « 3.076 miliciens présumés et 1.226 membres de l’armée et de la police ont été tués lors de combats ».

« La branche Nord-Sinaï de l’EI mérite la condamnation mondiale qu’elle a reçu pour ses abus odieux, mais la campagne de l’armée marquée par des violations tout aussi sérieuses, dont des crimes de guerre, devrait aussi être vivement condamnée », assure dans un communiqué Michael Page, directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à HRW.

HRW cite notamment des arrestations de masse, des disparitions forcées, des assassinats extra-judiciaires, des mauvais traitements et de la torture, ainsi que des bombardements illégaux par les forces de sécurité égyptiennes.

Le rapport estime notamment que plus de 12.000 personnes ont été arrêtées entre 2013 et 2018, toujours selon les déclarations officielles et les informations de presse.

Pour appuyer le rapport, l’organisation de défense des droits humains a publié une vidéo montrant notamment une supposée exécution sommaire conduite par des soldats.

Le rapport condamne également le rôle des milices pro-gouvernementales qui fonctionnent, selon HRW, « complètement en dehors de la loi ».

Parallèlement, il dénonce des exactions commises par les membres de la branche égyptienne de l’EI.

« Des attaques aveugles, telles que celles utilisant des engins explosifs improvisés dans des zones peuplées, ont tué des centaines de civils et mené à des déplacements de population forcés », indique le rapport, qui cite une attaque contre la mosquée al-Rawda qui avait fait plus de 300 morts en novembre 2017.

Parmi ses recommandations, HRW demande au Caire « d’autoriser les organisations humanitaires à opérer dans le Sinaï ». Elle demande aussi le transfert « immédiat » de tous les détenus vers des prisons officielles.

Le rapport dénonce également les ventes d’armes ainsi que la coopération militaire avec l’Egypte, citant principalement les Etats-Unis, la France, l’Allemagne et « dans une moindre mesure » la Russie.

« Cette façon terrifiante de traiter les habitants du Sinaï devrait être un signal d’alarme supplémentaire pour des pays comme les États-Unis et la France, qui soutiennent aveuglément les efforts antiterroristes de l’Égypte », estime Michael Page.

En avril, HRW avait déjà appelé le Congrès américain à ne pas donner son « feu vert à la répression » en Egypte, à l’occasion de la visite du président Abdel Fattah al-Sissi à Washington.

Le Nord-Sinaï est bouclé par l’armée, la presse indépendante n’étant autorisée à y accéder que lors de rares visites organisées par les autorités.