Le président de l’Equateur, Lenin Moreno, a décrété jeudi l’état d’urgence dans tout le pays, paralysé par des grèves et des blocages contre une hausse du prix du carburant de plus de 100%, qui ont fait une trentaine de blessés.
Dans un mouvement d’une ampleur inédite depuis 2007, le secteur des transports s’est mis en grève jeudi dans plusieurs régions du pays, et le mouvement va se poursuivre.
« Nous avons décidé de continuer » la grève jusqu’à nouvel ordre, a déclaré Carlos Brunis, le dirigeant des chauffeurs de taxi de Quito, où aucun taxi et autobus n’a circulé jeudi.
Les écoles, fermées jeudi, le seront également vendredi, pour le deuxième jour consécutif, selon le gouvernement. Des manifestants ont bloqué les rues en mettant le feu à des pneus.
« A ce stade, nous dénombrons 21 policiers blessés, 277 personnes arrêtées pour des actes de vandalisme », a affirmé dans la nuit le ministre de la Défense Oswaldo Jarrin. Quatorze personnes, des civils, ont par ailleurs été blessées au cours des manifestations, a indiqué le Service de la gestion des risques.
« Afin d’assurer la sécurité des citoyens et d’éviter le chaos, j’ai décrété l’état d’urgence au niveau national », a déclaré le président Moreno à la presse, à l’issue d’une réunion du gouvernement à Quito.
Cet état d’exception permet d’établir des zones de sécurité sur le territoire, de suspendre ou de limiter certains droits comme celui de libre circulation, d’imposer la censure aux médias. Il permet également de mobiliser l’armée et la police pour assurer l’ordre public.
La Constitution prévoit que la mesure peut rester en vigueur 60 jours et être prorogée pour une période de 30 jours supplémentaires.
En réaction, des manifestants se sont violemment affrontés avec les forces de l’ordre près du siège du gouvernement, ont constaté des journalistes de l’AFP. Les protestataires ont lancé des pierres et des cocktails Molotov sur la police qui a répliqué en faisant usage de gaz lacrymogène.
Auparavant, la ministre de l’Intérieur, Maria Paula Romo, avait déjà fait état de l’interpellation de 19 manifestants.
– Accord avec le FMI –
Le gouvernement est la cible de la colère de la rue après le démantèlement de subventions pour le diesel et l’essence dans le cadre d’un accord conclu en mars avec le Fonds monétaire international (FMI), qui a conduit à une augmentation des droits de douane pouvant atteindre 123%.
Cet accord prévoit un soutien financier de 4,2 milliards de dollars en échange d’un programme de réformes économiques sur trois ans.
Jeudi, les nouveaux tarifs du carburant sont entrés en vigueur: le prix d’un « galon américain » (3,7 litres) de diesel est ainsi passé de 1,03 à 2,30 dollars, et celui d’essence de 1,85 à 2,40 dollars.
Le président Moreno, au pouvoir depuis mai 2017, a mis en garde les manifestants, affirmant qu’il ne permettrait pas qu’ils « imposent le chaos ». « Cette époque est révolue », a-t-il ajouté.
Dans le passé, des hausses des prix de carburant ont déclenché des grèves qui ont entraîné le renversement de trois présidents entre 1996 et 2007.
« Je manifeste contre le président Moreno qui met en place ces mesures drastiques. On a des enfants, on reçoit à peine 380 dollars (de salaire) et cela ne suffit pas. Qu’allons-nous manger ? », a déclaré John Urquiza, 40 ans, un chauffeur routier du nord de Quito.
L’Equateur est confronté à des difficultés financières qui ont conduit le gouvernement à recourir davantage à l’endettement extérieur. En juillet, la dette publique était estimée à 36% du PIB, soit 39 milliards de dollars, selon la Banque centrale d’Equateur (BCE).
Face au déficit budgétaire, le gouvernement a émis à plusieurs reprises des titres souverains qui ont dépassé les 10 milliards de dollars. En février, Quito a également obtenu des crédits pour 10 milliards de dollars d’organismes multilatéraux, avec une échéance de remboursement à trois ans.
Le président Moreno accuse son prédécesseur Rafael Correa (2007-2017) d’avoir creusé le déficit public.