Le Bénin, ancien Dahomey, a regagné son indépendance il y a tout juste 60 ans, et comme de nombreux pays francophones, il maintient avec la France des liens étroits qui ont évolué depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon en 2016.
Le candidat à la présidence avait fait campagne à l’époque sur un sentiment plutôt « anti-Français », mais cela était davantage pour se démarquer de son adversaire Lionel Zinsou, franco-béninois, que par réelle opposition avec l’ancienne puissance colonisatrice.
Son mandat, qui prendra fin l’année prochaine, reste marqué par des symboles forts: la demande officielle du retour d’objets d’art pillés pendant les guerres coloniales et l’annonce du retrait des réserves de change du franc CFA qui se trouvent en France, bien avant qu’Emmanuel Macron n’acte la fin de la monnaie commune à la grande majorité des anciennes colonies en Afrique.
Le chef de l’Etat, âgé de 62 ans, fait partie de la première génération de leaders africains qui n’ont jamais connu la colonisation, même s’il garde des « liens assez intimes » avec la France, où il a notamment passé trois ans en exil politique entre 2012 et 2015.
– Indépendance ou autonomie –
« Patrice Talon s’inscrit, toute proportion gardée, dans un rapport décomplexé avec l’Etat français », soutient Joël Atayi-Guèdègbé, politologue béninois.
« Mais il a maintenu quand même des rapports cordiaux avec la France », explique cet expert en gouvernance, prenant l’exemple de la restitution des biens culturels qui se prépare.
« Il faut être à la fois fiers et modestes dans nos rapports avec les puissances » plaide-t-il.
Le président de l’Association béninoise des Etudes stratégiques et de Sécurité, Oswald Padonou, rappelle en effet qu' »indépendance » ne signifie pas forcément « autonomie »: « Le Bénin a encore beaucoup de rapports de dépendance avec la France », notamment en termes économiques ou d’expertise.
Selon le site du Quai d’Orsay, les échanges commerciaux franco-béninois sont extrêmement déséquilibrés avec de faibles importations françaises (2,4 millions d’euros en 2018), centrées autour de quelques produits agricoles et agroalimentaires, tandis que les exportations françaises se sont élevées à 222,7 MEUR cette même année.
Les entreprises françaises emploient directement plus de 4.000 personnes dans le pays, Paris soutient les projets de développement économique engagés par le gouvernement béninois, notamment dans le tourisme et les nouvelles technologies, et l’Institut français au Bénin reste un des lieux culturels les plus importants à Cotonou, la capitale économique.
– Intérêts stratégiques –
Toutefois, cette tendance pourrait changer dans les années à venir, avec l’attrait pour les puissances émergentes telle que le Brésil, la Turquie et la Chine.
« Nous sommes aujourd’hui dans une situation dans laquelle on peut choisir les types de partenariat que nous souhaitons », mais avant tout il faut « déterminer nos intérêts stratégiques et que nous soyons en mesure de les protéger et les défendre », explique le politologue à l’AFP.
Au sein de la population, les débats autour de l’ancienne puissance coloniale sont toujours d’actualité.
Kemi Séba, Français d’origine béninoise et leader de la contestation contre le franc CFA qu’il juge être un instrument « néocolonial », vit désormais à Cotonou après avoir été expulsé du Sénégal, de Côte d’Ivoire et condamné plusieurs fois en France pour incitation à la haine.
Une partie de la population béninoise s’indigne également que tant de rues, places publiques, boulevards et bâtiments publiques portent toujours les noms de grandes personnalités politiques ou culturelles françaises.
« Il faut faire attention à ne pas effacer l’histoire », avertit néanmoins le Dr Oswald Padonou.
« Il y a des personnages, des personnalités qui ne sont pas Béninois mais qui ont compté dans notre histoire », rappelle le spécialiste des questions politiques. Ce qu’il faut faire, selon lui, est « de valoriser ce qui fait notre propre histoire, nos héros ».
« Les rôles positifs ou négatifs que ces personnages ont joués dans l’histoire doivent être préservés et être connus des générations futures. Nous cohabitons. Nous ne sommes pas en guerre avec les autres », conclut-il.