A la grande déception des parents et des élèves, toutes les écoles de Casablanca sont restées fermées lundi, jour de rentrée, dans une série de nouvelles mesures d’urgence pour endiguer la flambée des cas de nouveau coronavirus dans la capitale économique du Maroc.

La décision a été annoncée  par les autorités marocaines dimanche soir peu avant minuit, dans un communiqué officiel imposant aussi le verrouillage des accès à la métropole de 3,3 millions d’habitants, un contrôle strict des déplacements et un couvre-feu nocturne.

Ces mesures vont s’appliquer pendant deux semaines, avec « une évaluation minutieuse et continue » de la situation épidémiologique, selon le communiqué des autorités.

Plus généralement au Maroc, l’enseignement à distance a été imposé dans tous les établissements situés « dans des quartiers fermés ou classés comme foyers épidémiques » et pour tous les enfants venant de familles contaminées, selon un communiqué du ministère de l’Education qui ne donne pas de liste détaillée.

 

– « Incontrôlable » –

 

« Nous risquons d’être submergés par le virus. Dès lors, des mesures drastiques s’imposent, sinon la situation risque d’être incontrôlable dans les jours à venir », a souligné dimanche soir le ministre de la Santé Khalid Ait Taleb dans une déclaration à la presse.

La situation épidémiologique au Maroc, pays de 35 millions d’habitants, a été marquée par une recrudescence des cas de Covid-19 depuis début août.

Le pays a enregistré dimanche un nombre record de nouvelles contaminations, avec 2.234 nouveaux cas officiellement déclarés, dont 42% à Casablanca. Au total, 72.394 contaminations, dont 1.361 décès, ont été recensées depuis mars.

Les autorités imputent cette recrudescence des cas à l’indiscipline d’une population peu respectueuse des gestes barrières.

L’état d’urgence sanitaire décrété mi-mars court jusqu’au 10 septembre, le port du masque est obligatoire et les contrôles policiers ont été renforcés ces dernières semaines dans différentes villes, avec des mesures ponctuelles de restrictions comme la fermeture de plages.

La déception après l’annonce de la fermeture des écoles a été d’autant plus vive que les cours n’ont pas repris depuis leur suspension mi-mars. Les Marocains sont ensuite restés de longues semaines sans sortir de chez eux en raison du confinement.

A Casablanca, la mesure et son annonce tardive ont suscité un flot de critiques sur les réseaux sociaux.

« On a passé le week-end avec les enfants à étiqueter les fournitures, ils étaient aux anges de retourner à l’école demain (…) Comment leur expliquer ça à six et huit ans ? », écrit un père sur Twitter.

« On nous annonce, sans préavis aucun, sans délai et tard le soir (…) qu’on nous force au semi-emprisonnement. C’est inouï », s’indigne un autre.

Depuis que le ministère de l’Education a assuré début août que la rentrée se ferait début septembre et « sans report possible » pour les sept millions d’élèves marocains, plusieurs épidémiologistes s’inquiétaient des risques sanitaires induits et des capacités de réponse de la santé publique.

Le Dr Tayeb Hamdi, vice-président de la fédération nationale de la Santé, préconisait ainsi de « décaler la rentrée », pour « éviter que l’école ne soit un vecteur de contamination », dans un entretien publié lundi par le site Médias 24.

 

– « Réanimation saturée » –

 

« La réanimation est pleine, pratiquement saturée », le système de soins n’a pas « les reins assez solides pour faire face à une dégradation épidémiologique », selon ce médecin et chercheur en politiques de santé.

Alors que 80% des familles avaient opté pour une rentrée en présentiel, selon le ministère de l’Education, les médias locaux ont exprimé ces derniers jours des doutes sur la capacité du système scolaire à imposer des mesures sanitaires efficaces, tout en soulignant les limites de l’enseignement à distance dans les milieux défavorisés.

« Une rentrée scolaire de toutes les incertitudes », titre ainsi l’hebdomadaire « Maroc Hebdo ».

Sur le site Médias 24, le Pr Ghita Benjelloun, chef du service de pédopsychiatrie du plus grand hôpital de Casablanca, s’inquiète pour sa part des « effets extrêmement négatifs » de la fermeture des écoles après un long confinement qui a généré chez les jeunes « beaucoup de peur, d’anxiété et d’insécurité ».

Les cas de tentatives de suicide, les violences et les troubles de conduite chez les jeunes patients (enfants et adolescents confondus) ont globalement triplé dans son service après le confinement, selon elle.

Mi-juin, la Société marocaine de pédiatrie avait alerté les autorités sur « l’effet dévastateur » du confinement sur les plus jeunes.