Deux jours avant son arrestation fin janvier, Maurice Kamto, célèbre avocat qui conteste la réélection de Paul Biya à la présidentielle de 2018, promettait à des partisans surexcités que, désormais, les caciques du régime ne trouveraient « plus le sommeil ».

Une déclaration faite le 26 janvier, lors d’une des nombreuses marches pacifiques que son parti, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), organisait régulièrement depuis la présidentielle du 8 octobre, à laquelle il est arrivé second avec 14,23% des voix, selon les résultats officiels.

Des chiffres qu’il conteste, s’affirmant vainqueur face au sortant Paul Biya, 86 ans, au pouvoir depuis 1982, dont il veut prendre la place.

M. Kamto, 65 ans, professeur agrégé de droit et avocat au barreau de Paris, est arrêté le 28 janvier. Deux jours après sa promesse, il dort en prison, avec des dizaines de ses partisans ou simples participants à ses marches.

Le principal opposant à M. Biya est alors poursuivi devant un tribunal militaire de de Yaoundé, notamment pour « insurrection », aux côtés d’une centaine de coaccusés, encourant aisni la peine de mort, même si celle-ci n’est plus appliquée au Cameroun.

Mais au soir de la clotûre d’un Grand dialogue national convoqué par Yaoundé pour tenter de mettre fin à la crise qui déchire les régions anglophones du pays, le président Biya a annoncé l’arrêt des poursuites judiciaires contre certains leaders de l’opposition.

Samedi, la justice a ordonné sa remise en liberté, après neuf mois passé en prison, ainsi que celle de 101 autres opposants.

Né à Bafoussam, dans l’ouest du Cameroun, le 15 février 1954, l’opposant est un brillant juriste dont la réputation dépasse largement les frontières de son pays. Ancien président de la Commission du droit international de l’ONU, il est membre associé de l’Académie internationale de droit comparé, qui regroupe la crème des juristes dans le monde.

« L’homme de Bakassi », comme on le surnomme dans son pays, a été pendant huit ans (1996-2002), l’infatigable avocat du Cameroun devant la Cour internationale de justice (CIJ) dans le cadre du différend frontalier opposant son pays au géant voisin nigérian. Le 10 octobre 2002, la CIJ attribue cette presqu’île disputée au Cameroun, qui recouvre ainsi sa souveraineté sur des côtes poissonneuses et potentiellement riches en pétrole.

– Démission du gouvernement –

Pour le récompenser, Paul Biya le nomme en 2004 ministre délégué auprès du ministre de la Justice. Après sept ans au gouvernement, il démissionne en 2011 avant d’être porté, l’année suivante, à la tête du MRC fondé par des intellectuels avides de changement.

Beaucoup le perçoivent comme un intellectuel « froid et distant ». « C’est une impression qui n’est pas vérifiée lorsqu’on le côtoie », tempère Emmanuel Simh, le 3ème vice-président du MRC. Ses proches le présentent comme un « homme humble », qui éprouve même de la gêne quand on fait son éloge.

« C’est une +souris+ des livre qu’il dévore. Il lit tout, des revues scientifiques aux romans », témoigne M. Simh. Mais il aime aussi regarder les matchs de foot à la télé. Jeune, il a pratiqué ce sport, ses proches assurant qu’il était plutôt bon.

– « Tireur de pénalty » –

Lors de la campagne présidentielle, il se présentait d’ailleurs, en arborant régulièrement le maillot des Lions Indomptables –l’équipe nationale du Cameroun–, comme le « tireur de pénalty ». « J’ai reçu mission de tirer le pénalty historique. Je l’ai tiré. Le but a été marqué », lançait-il devant la presse le 8 octobre 2018, revendiquant sa victoire à la présidentielle.

Alors que Yaoundé lui reprochait d’être dans une logique insurrectionnelle et prêt à tout pour conquérir le pouvoir, M. Kamto, présenté par ses proches comme le « président élu », se définit comme un partisan de la non-violence. « Je ne marcherai pas sur le cadavre et le sang des Camerounais pour arriver à Etoudi », le palais présidentiel, martèle-t-il sans cesse.

L’opposant affiche toutefois sa détermination de « livrer aux Camerounais un pays en bon ordre ». « J’ai reçu du peuple camerounais un mandat clair que j’entends défendre fermement jusqu’au bout », assure-t-il.

Depuis son arrestation, Yaoundé etait sous la pression internationale, mais ne cédait pas. L’ONU, l’Union européenne, les Etats-Unis et jusqu’à la France, soutien indéfectible de Paul Biya, avait appelé à sa libération.