Le camp du président sortant de Guinée-Bissau, José Mario Vaz, a accusé dimanche le parti dominant au Parlement de s’être livré à « des fraudes par bourrage d’urnes » et à « un achat de consciences » lors du premier tour de l’élection présidentielle, avant même la fin des opérations de vote.
« Il y a eu bourrage d’urnes dans des bureaux des régions de Bafata (est), Canchungo (nord) et Bisorra (centre-nord), avec la complicité du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) et de la Commission régionale des élections (CRE) », a affirmé lors d’un point de presse le directeur de campagne du président Vaz, qui brigue un second mandat, Botche Candé.
A Bissora, un responsable des jeunes du PAIGC a été, selon lui, « surpris avec une enveloppe pleine de bulletins » et « en train de distribuer du riz et de l’argent pour acheter des consciences ».
« Dans des telles conditions, le président Vaz n’acceptera pas des résultats entachés (d’irrégularités). J’appelle la communauté internationale à vérifier et à apporter des solutions avant le comptage » des voix, a ajouté M. Candé.
« Je respecterai la volonté du peuple », avait déclaré M. Vaz en milieu de matinée, après avoir déposé son bulletin dans l’urne.
Mis en cause, le PAIGC n’avait pas encore réagi à ces accusations.
Le candidat du PAIGC et ex-Premier ministre Domingos Simoes Pereira, que M. Vaz avait limogé en 2015, a affirmé dimanche qu’il « respecterait » le résultat. « S’il y a un deuxième tour, je le respecterai », a ajouté M. Pereira, dont le parti a mené à l’indépendance cette ex-colonie portugaise d’Afrique de l’Ouest au climat tropical.
Les bureaux de vote doivent fermer à 17H00 (GMT et locales). Les premières tendances sont attendues en début de semaine. La date du 29 décembre a été retenue pour un second tour hautement probable.
Si la campagne s’est déroulée pratiquement sans heurts, une certaine crainte de lendemains difficiles habite les près de 700.000 électeurs appelés aux urnes pour départager les 12 candidats –tous des hommes.
« J’espère qu’il n’y aura pas de problème après le vote. Depuis l’indépendance, la Guinée est dans les problèmes », expliquait en début de journée Justin Malang, un chauffeur de 47 ans, alors que près de 70% des quelque 1,8 million de Bissau-guinéens vivent avec moins de 2 dollars par jour.
– Favoris issus du système –
La Guinée-Bissau, abonnée aux coups d’Etat depuis son indépendance en 1974, a vécu ces quatre dernières années au rythme des querelles entre le président Vaz et le PAIGC.
M. Vaz, élu en 2014 sous l’étiquette du PAIGC avant d’en être exclu, avait provoqué l’étincelle en limogeant en août 2015 son Premier ministre, Domingos Simoes Pereira, chef de cette même formation.
Sous sa présidence, les chefs de gouvernement se sont succédé, sous le regard inquiet des pays d’Afrique de l’Ouest, qui ont multiplié les efforts de médiation.
Dans le même temps, les écoles sont restées fermées pendant des mois en raison de grèves à répétition des enseignants réclamant le paiement d’importants arriérés de salaires.
En raison des tensions politiques, deux semaines avant la présidentielle, la communauté internationale s’inquiétait encore d’une remise en question de l’élection et même de « risques de guerre civile ».
Les favoris de l’élection sont issus du système et ont été des acteurs des crises des dernières années, à commencer par le président Vaz, et son grand rival, M. Pereira. Il y a aussi Umaro Sissoco Embalo, à la tête d’une dissidence du PAIGC, ou encore Nuno Nabiam, battu au second tour en 2014.
– L’armée va-t-elle rester dans ses casernes? –
Chassé par les militaires entre les deux tours alors qu’il était favori de l’élection de 2012, l’ex-Premier ministre Carlos Gomes Junior tente à nouveau sa chance.
La présence de militaires en armes devant les grilles de la présidence et de véhicules de l’Ecomib, la force de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) déployée dans le pays depuis le coup d’Etat de 2012, rappelle que l’histoire de la Guinée-Bissau est jalonnée de putschs et d’assassinats politiques.
Mais l’armée n’est pas intervenue au cours des cinq dernières années et son chef, le général Biaguê Na Ntam, a assuré qu’elle ne pensait « plus à fomenter des coups d’Etat ».