Tandis que la capitale Bamako essaie de dessiner l’avenir d’un Mali en perdition, les soldats sur le terrain loin de là dans le nord à Tombouctou ou dans le centre du pays, les civils et les humanitaires continuent à se colleter avec les dures réalités du quotidien.

Comme chaque jour, le lieutenant Abdoul Kadri patrouille avec ses hommes dans Tombouctou, ville dite des 333 saints classée au patrimoine mondial de l’Unesco.

« On va de check-point en check-point, dans la ville de Tombouctou, à ses abords et sur les axes principaux » alentour dit-il, casque sur le crâne et arme toujours à portée de la main.

Sa patrouille qui circule dans les rues animées et commerçantes est composée de blindés montés de mitrailleuses gros calibre, symbole de la menace qui plane malgré l’activité effervescente d’une des principales villes du nord.

Le nord et le centre du Mali, territoire immense où l’autorité de l’Etat ne s’étend souvent pas plus loin qu’à quelques kilomètres des villes, sont le théâtre de plusieurs conflits depuis 2012.

Des groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à l’organisation Etat islamique et fortement implantés y combattent tout ce qui représente l’Etat malien, et s’affrontent entre eux.

Des violences à caractère intercommunautaire ensanglantent le centre.

Les violences sont quotidiennes, les embuscades courantes et les explosions de mines artisanales, comme celles qui ont tué deux soldats français près de Tessalit (nord) ou blessé cinq passagers dans un bus près de Gao (nord-est) récemment, fréquentes.

Plus de 20 soldats maliens ont été tués depuis le 18 août dans des attaques. Le coup d’Etat mené ce jour-là par des militaires désormais au pouvoir n’a pas fait cesser cette spirale, quand bien même l’exaspération devant l’impuissance de l’Etat a été un facteur primordial dans la chute de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta.

Le colonel Boubacar Sanogoh, commandant de la zone militaire de Tombouctou, voit dans la nouvelle donne politique un motif supplémentaire de prudence. « Il faut qu’on soit vigilants car en de pareilles situations, l’ennemi tapi dans l’ombre pourrait profiter d’une négligence », dit-il.

 

– Des sanctions qui « font mal » –

 

En même temps qu’ils discutent de l’avenir avec les diplomates ou les responsables civils à Bamako ou dans la nouvelle place forte du pouvoir, la ville-garnison de Kati, des chefs de la junte ont visité des camps militaires dans le pays dans un souci de « rester unis en un même bloc », selon les mots d’un gradé à l’AFP.

Pour les populations de ces régions, les événements bamakois n’ont eu qu’un impact immédiat limité.

Les cultivateurs par exemple y sont très nombreux et l’actuelle saison des pluies est un moment crucial du calendrier.

Les précipitations abondantes des dernières semaines ont contrarié les déplacements. Mais les besoins immenses d’un des pays les plus pauvres du monde demeurent, et les nombreuses ONG comme l’ONU ont poursuivi leurs activités après le coup d’Etat.

Nous n’avons « rien arrêté jusqu’à présent », dit Jo Scheuer, directeur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour le Mali. « La question immédiate (après le coup d’Etat) a été de savoir si l’on pourrait maintenir des accès humanitaires, et cela a été réglé en quelques jours », dit-il.

Le PNUD met cependant en garde dans une note contre des « conséquences socio-économiques directes » du coup d’Etat. Dans une rue sableuse de Tombouctou, le commerçant Baba Djitey Wangara explicite: le coup d’Etat cause « des soucis car ici à Tombouctou, tout vient de l’extérieur. Alors la fermeture des frontières est un grand problème ».

Les voisins du Mali ont fermé les frontières de leurs Etats membres et imposé un embargo sur les flux commerciaux et financiers, pour presser la junte de restituer rapidement le pouvoir au civil.

Mais « ces sanctions font plus de mal aux populations qu’au gouvernement lui-même », se désole le maire de Tombouctou, Aboubacrine Cissé.