Le Bénin n’en avait pas eu depuis plus de 60 ans: le petit pays d’Afrique de l’Ouest dispose désormais d’une nouvelle carte détaillée de son territoire, qui pourra l’aider à protéger ses forêts et ses côtes, développer son tourisme et ses infrastructures.

Pendant plus de deux ans, deux avions ont quadrillé le ciel béninois pour prendre des photos haute résolution. Une trentaine de cartographes ont numérisé les données, chaque cours d’eau, chaque route, chaque maison…

« C’est la première carte complète du Bénin, de l’océan au Sud au fleuve Niger au nord », s’enthousiasme Roch Bah, le directeur de l’Institut géographique national du Bénin. « Et nous sommes le premier pays d’Afrique francophone à en avoir une au 1/50.000e. »

La dernière carte complète du pays datait de 1957, à une échelle beaucoup moins précise.

Elaborer une carte est un projet coûteux, souvent hors de portée des pays en développement, alors qu’elles sont essentielles tant pour la préservation de l’environnement que pour le développement urbain.

Quand l’ONU a lancé un projet de préservation des forêts autour des cours d’eau au Bénin, dont la disparition provoque inondations, appauvrissement et pollution, il a fallu des cartes.

Le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) s’est  associé à l’Union européenne pour financer les 8,3 millions d’euros nécessaires à ce travail titanesque: cartographier un territoire de 115.000 km2.

Cyril Romieu de l’Institut géographique national France International (IGN FI) a mené un véritable travail de détective.

Dès qu’une zone était numérisée, une équipe partait enquêter sur le terrain. Ses agents ont sillonné quelque 26.000 villes et villages pour en vérifier les noms, les limites, l’état des routes…

« On avait les vieilles cartes », raconte-t-il. « Mais les noms qui ne sont pas écrits changent! On a donc interrogé les élus, la population… Quant aux limites entre les villages, on les a tracées selon ce que disaient les gens ».

La comparaison avec les cartes des années 1950 montre à quel point ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, qui compte 11 millions d’habitants, s’urbanise. La capitale par exemple, Porto Novo, qui était une petite cité installée le long du fleuve Ouémé, s’est transformée en une ville étendue.

On apprend aussi qu’il y a aujourd’hui 1.550 centres de santé, 9.025 points d’eau, 8.500 écoles et 9.400 lieux de culte à travers le pays.

– Un « joyau » –

La nouvelle carte a été remise mi-avril aux autorités béninoises. « L’ancienne était obsolète et inutilisable », explique José Tonato, ministre du Cadre de vie et du Développement durable, « on se base déjà sur la nouvelle, notamment pour retenir les sites d’implantation des futurs marchés ».

Tout projet de planification urbaine – création d’infrastructures, agriculture, transport, énergie, tourisme,…- dépend d’une cartographie et d’un recensement géographique précis, explique Aurélie Milledrogues, directrice technique et qualité d’IGN FI.

« Quand on connaît bien son territoire, on peut bien penser son aménagement et le maîtriser », poursuit-elle.

« On va mieux connaître nos espaces nationaux et mieux planifier nos projets », s’enthousiasme le directeur général des Eaux, Forêts et Chasse, Aristide Adjademe, qui parle d’un « joyau ».

La carte pourrait être en effet un outil précieux dans la lutte contre la déforestation ou l’érosion côtière qui menace Cotonou, la capitale économique.

Une partie des données récoltées sont déjà en ligne, sur un site internet dédié (https://www.geobenin.bj/fr/). La carte entière n’est pas disponible en version papier.

« Est-ce qu’on pourra avoir accès au fond de carte gratuitement ? » interroge Sam Agbadonou, président d’Open Street Map Bénin, une association de cartographie libre et collaborative.

Une question que se posent aussi plusieurs start-ups qui souhaitent lancer des applications touristiques et auraient besoin d’un accès total aux données.

Pour le géographe Vincent Orekan, qui enseigne à l’université et qui a participé au projet, il s’agit désormais de développer une dimension essentielle: « Au Bénin, nous ne sommes pas habitués à utiliser des cartes. Il faut sensibiliser la population. »